Par GE LIJUN, membre de la rédaction
Le peintre ghanéen Julius Mawuli Kwao
C’est sûrement grâce à une belle coïncidence que Julius Mawuli Kwao,natif du Ghana, a pu acquérir un nom chinois. Son second prénom, Mawuli, ressemble à celui de Ma Sanli, un illustre artiste dexiangsheng(dialogue comique traditionnel chinois). Une fois que son professeur chinois lui a fait part de l’origine de ce nom, le peintre ghanéen l’a accepté avec joie.
Enseignant la peinture dans plusieurs écoles artistiques à Beijing,M. Kwao est plutôt occupé dans son quotidien. Il donne des cours à des étudiants âgés de quatre ans à 37 ans, quasiment tous des Chinois.Malgré un emploi du temps intensif,il ne ressent pas la fatigue. « J’aime enseigner, non pas pour gagner de l’argent, mais j’adore dessiner »,raconte l’artiste. Peinture à l’huile,esquisse ou gouache, les étudiants jouissent d’un large éventail de choix.
À ses yeux, les œuvres d’art jouent un rôle important dans la communication et la compréhension mutuelle. Les siennes sont vivantes,directes et attirantes, montrant des images lourdes d’informations. Son style à l’africaine, plus précisément d’Afrique de l’Ouest, lui sert d’outil pour s’exprimer auprès de son publiccible : les Chinois. « J’aimerais leur permettre d’ouvrir un vaste horizon quant à la culture et le mode de vie de ma région », ajoute-t-il. En réalité,cette idée vient de sa propre expérience et de sa décision audacieuse de partir pour la Chine il y a de ça une dizaine d’années.
M. Kwao a eu d’abord la chance de découvrir la Chine à travers l’audiovisuel, loin des on-dit ou de la presse. Un profond amour pour ce pays lointain, nourri par des films et des œuvres littéraires,notammentLe Pèlerinage vers l’Ouest, l’accompagne tout au long de son enfance. Il s’intéresse ainsi à son histoire et sa brillante civilisation, lui permettant depuis très jeune de se passer des préjugés sur le pays.
S’il s’imaginait la Chine selon des mots exprimés par les autres, il n’y serait jamais venu. En 2012, alors âgé de 30 ans, il pose ses valises à Beijing. Son rêve d’enfant est devenu réalité. « Je sais ce qui m’amène ici. Je veux apprendre », partage le peintre.
Son apprentissage vise la peinture traditionnelle chinoise. En fait, il a appris la peinture occidentale aux États-Unis. Mais sa volonté d’en apprendre davantage le pousse à relever le défi : un style artistique totalement différent. Après deux années de formation en langue chinoise, il est parvenu à suivre les mêmes cours que ses camarades chinois au Beijing Institute of Fashion Technology.Muni d’un pinceau, il dessine des motifs typiquement chinois, tels que des fleurs du prunier, des orchidées,des bambous ou des chrysanthèmes,en les associant aux techniques occidentales. Son peintre chinois favori ?Zhang Daqian, l’une des figures les plus brillantes et les plus riches de la peinture chinoise du XXesiècle. « Je suis passionné de sa peinture par éclaboussures d’encre. »
Il se livre à la vie universitaire. Il trouve intéressant d’associer des éléments orientaux et occidentaux. De prime abord paraît un choc de deux civilisations, devenant pourtant au fur et à mesure un dialogue inspirant. Il obtient son diplôme après six ans d’études à l’institut. Cependant,son parcours d’apprentissage ne s’arrête pas là.
Il enseigne, dessine et participe activement lors de salons, destinés au public chinois, une opportunité précieuse pour faire connaître ses œuvres. « La parole ne suffit pas. La peinture est tout aussi éloquente. »Une de ses œuvres montre une femme africaine qui vend des biens qu’elle porte sur la tête. Les marchandises pèsent lourd, mais elle a le visage confiant. « Elle représente des millions de femmes africaines ordinaires, qui gagnent dignement leur vie. J’essaie de montrer la persévérance et la persistance des femmes africaines dans un environnement démuni, contrairement à certaines images négatives sur les Africains »,explique M. Kwao. Il se félicite que beaucoup de Chinois apprécient cette peinture.
Son père étant Ghanéen et sa mère Américaine, il est sensible aux différences culturelles. Comme le souligne à maintes fois l’artiste, son double objectif — s’inspirer de la culture chinoise, et faire découvrir aux Chinois les autres cultures à travers ses œuvres — est le travail de toute une vie.
En dehors de son atelier, le peintre ghanéen fréquente de multiples salons organisés dans des villes chinoises. « J’ai souvent beaucoup à dire pour les présenter devant mon stand rempli de visiteurs », se souvient-il.
L’enthousiasme pour ses créations ne provient pas d’un attrait pour l’exotisme, mais d’un sens plus profond, relatif à la vie. Dans l’une de ses œuvres, une fille met un doigt au-dessus de sa bouche, montrant une attitude positive face aux vicissitudes de la vie. « Cette œuvre est populaire parmi les visiteurs chinois,ce qui montre que nos deux peuples partagent dans une certaine mesure la même sagesse. »
Son chef-d’œuvreL’enfant africaintouche plus de Chinois. Un enfant lève la tête en levant son regard vers le haut. « Cela représente l’espoir. »Cet enfant, c’est lui. Lorsqu’il était petit, sa mère prenait beaucoup de photos de lui, inspirant cette création. Dans n’importe quel endroit,riche ou pauvre, on a de l’espoir.« Si tu n’as pas d’espoir, tu n’es pas humain », renchérit l’artiste.
Son dialogue avec les Chinois est constamment transposé dans sa création. Pour lui, rester en Chine est son premier choix. Il a ouvert un atelier de peintre où il enseignait à une quinzaine d’élèves à Beijing, mais il a dû le fermer à cause de la pandémie de COVID-19. C’est pourquoi il a décidé de collaborer avec des écoles artistiques pour ne pas interrompre sa profession favorite.
La vie des femmes africaines
Vivant en Chine depuis une dizaine d’années, il témoigne d’une atmosphère artistique qui se forme progressivement à travers le pays. Des expositions, des ateliers, des écoles, et même des documentaires sur ce sujet offrent une occasion parfaite pour faire pénétrer les amateurs dans le monde artistique. « Un changement se fait dans la participation active du public aux événements artistiques et dans un marché prospère. Ce progrès suit le développement rapide du pays,une grande puissance à deux visages– traditionnel et moderne. » L’enracinement en Chine, son deuxième pays natal en son cœur, est un choix naturel, car sa famille, son travail, et sa création se trouvent ici. Sa femme,Chinoise, ne travaille pas dans le secteur artistique, mais « elle comprend l’art ». Il a l’intention de fonder son propre conservatoire à l’avenir.« Comme ça, je peux initier plus d’étudiants chinois à l’art, une fenêtre permettant de s’inspirer de différentes cultures », souhaite M. Kwao.