Le travail commence dès aujourd’hui

2022-11-07 12:40ParKERRYBROWN
今日中国·法文版 2022年11期

Par KERRY BROWN

Des opérations de régulation de l’eau et du sable au barrage de Xiaolangdi (fleuve Jaune) dans le district de Mengjin, à Luoyang (Henan), attirent les visiteurs, le 25 juin 2022.

Bien que le XXeCongrès du Parti communiste chinois (PCC) soit un événement national, il est inévitable que bon nombre de décisions qui sont prises et des déclarations qui sont faites, en particulier celles de son secrétaire général Xi Jinping dans son discours d’ouverture, aient des implications internationales. Comme pour les États-Unis,les affaires intérieures de la Chine ont un grand intérêt et revêtent une signification énorme sur le plan mondial. Le destin de l’économie chinoise,ses projets de réforme des soins de santé, tout comme sa stratégie pour résoudre les problèmes environnementaux auront un effet d’entraînement sur le monde dans son ensemble et, dans une certaine mesure, impliqueront des questions relatives à la collaboration et au partenariat.Reste à savoir comment ce partenariat doit se dérouler.

Des questions urgentes

Dans son rapport du 16 octobre, M. Xi a souligné certains thèmes bien développés qui sont au cœur de la gouvernance et de la politique en Chine depuis quelques années. La principale dimension nouvelle est le degré d’urgence qu’on leur donne.Il est clair que le monde entre dans une période de grands défis. L’Amérique, l’Europe et une grande partie du reste du monde connaissent des problèmes de croissance, luttent contre l’inflation et sont confrontés à des problèmes d’approvisionnement énergétique. Certains d’entre eux sont dus à la pandémie de COVID-19,d’autres au conflit entre la Russie et l’Ukraine. Ils sont également le résultat de l’accumulation des incertitudes qui ont fait leur apparition en raison des débats passionnés, et souvent polarisateurs,sur la mondialisation et les inégalités, et qui ont fait partie de l’environnement géopolitique international au cours de la dernière décennie.

Le levage du dôme du réacteur 5 de la centrale nucléaire CNNC de Fuqing (Fujian)est effectué le 25 mai 2017. Il s’agit du premier projet mondial de démonstration de 3e génération de centrales nucléaires 100 % chinoises Hualong-1.

La Chine représente désormais près d’un cinquième du PIB mondial. Le pays est également de plus en plus engagé, comme l’a clairement indiqué le discours de M. Xi, à investir des montants importants dans ses capacités de R&D.Les dépenses chinoises dans ces domaines ont dépassé celles des Européens il y a près d’une décennie. Elles représentent désormais près de 90% du montant des budgets américains et devraient les dépasser au cours de ces prochaines années. La vision d’être des leaders mondiaux dans de nombreux secteurs des hautes technologies, des sciences de la vie, de l’intelligence artificielle et de l’informatique progresse rapidement en Chine. Il en va de même pour la volonté de la Chine de permettre à ses universités d’être aux premiers rangs mondiaux. Cela exigera avant tout une réponse stratégique du monde extérieur,pour déterminer clairement où il souhaite et doit collaborer avec la Chine, et où réside un avantage mutuel clair.

Parmi les domaines les plus urgents, les propos que M. Xi a consacrés dans son rapport à l’action menée par la Chine pour lutter contre le changement climatique sont ceux qui ont reçu le meilleur accueil. Les épisodes répétés de fortes chaleurs, d’inondations au Pakistan et ailleurs,de sécheresses en Europe, et de vagues de chaleur sans précédent en Chine montrent que les prédictions scientifiques sur le réchauffement climatique depuis de nombreuses années sont réelles, malgré le scepticisme et l’opposition de certains. Une coopération mondiale coordonnée est nécessaire pour les gérer. La Chine est l’un des acteurs les plus importants dans ce domaine.La priorité qu’elle lui accorde est donc une bonne nouvelle.

La Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de 2021 à Glasgow a fixé des objectifs plus ambitieux pour réduire les émissions de carbone. En Chine, les énergies renouvelables, la technologie et de nombreuses mesures ont été déployées pour atteindre les objectifs de pic des émissions de carbone d’ici la fin de la décennie, puis la neutralité carbone d’ici 2060.Pour le bien de l’humanité, il est nécessaire, et non plus facultatif, d’éviter un scénario où les hausses de température vont au-delà de l’objectif actuel et les dépassent de deux degrés. Les gouvernements de la planète doivent donc travailler ensemble, et la Chine a fourni ses propres idées sur la meilleure façon d’y parvenir. Le pragmatisme doit l’emporter ici sur des considérations plus locales.

M. Xi a également évoqué l’objectif de créer un secteur de la santé plus fort. La pandémie de COVID-19 a généré d’immenses défis et des bouleversements dans tous les pays, et clairement montré qu’ils devaient mieux gérer toute épidémie future. La collaboration sur la création de nouvelles technologies et de nouvelles méthodes de gestion de la propagation des maladies infectieuses est cruciale. La Chine a entrepris d’importantes réformes institutionnelles depuis 2018, créant de nouveaux organismes au niveau national pour coordonner les soins de santé et gérer l’approvisionnement en médicaments, la fourniture de traitements et la formation médicale. C’est une bonne nouvelle de savoir qu’il existe une fenêtre pour la collaboration internationale et pour la recherche et la communication.

Réalisme et pragmatisme

La collaboration intellectuelle avec la Chine a été l’une des questions les plus importantes tout au long du processus de réforme et d’ouverture depuis la fin des années 1970. Ce que nous pouvons constater dans le discours de M. Xi, c’est que si l’engagement en faveur d’une réforme globale n’a pas diminué, il est entré dans une ère plus complexe. Pour la Chine et son ère de réforme intérieure, les industries du savoir et le passage vers un modèle économique de meilleure qualité, qui puisse satisfaire la classe moyenne émergente, vont être essentielles. C’est dans ces domaines que la croissance économique aura le plus de chances de survenir et que de nouveaux emplois seront créés. Depuis plus de deux décennies, la Chine a produit beaucoup plus d’ingénieurs que le reste du monde dans son ensemble.Beaucoup ont été formés à l’étranger. Dans les années à venir, il y aura probablement une moisson de talents et de réalisations au sein de cette catégorie.

Mais pour que cela se produise, il doit y avoir de la clarté et une certaine gestion des attentes.Les relations entre la Chine et les États-Unis, en particulier depuis ces dernières années, ont été difficiles. Il y a clairement un niveau de méfiance et parfois d’animosité des deux côtés. Cependant,quelle que soit la situation bilatérale, l’impératif de réalisme et de pragmatisme n’a jamais été aussi grand. Le monde est peut-être confronté à de redoutables problèmes économiques et environnementaux, mais il crée aussi, presque quotidiennement, de nouvelles méthodes et des modalités pour y faire face. Les investisse-

Des chirurgiens orthopédistes de l’Hôpital populaire de Lhassa effectuent une opération chirurgicale sous la direction d’experts de l’Hôpital de Jishuitan de Beijing à distance et en temps réel, le 19 avril 2021.

ments de la Chine dans la R&D sont un atout au niveau national et international. Cela devrait être considéré comme une chose positive plutôt que l’inverse. Que la Chine devienne un pays innovant dans des domaines qui comptent pour tout le monde est bien plus une bonne qu’une mauvaise chose. Chacun a ses lignes rouges sur certains sujets. Mais dans de nombreux autres domaines, il existe un espace et des opportunités pour travailler ensemble.

La Chine s’est évidemment exprimée très clairement sur ses plans pour les cinq prochaines années. Cela fournit au moins un niveau de prévisibilité dans un monde où cela est rare. Alors que l’Europe et l’Amérique sont en proie à des problèmes internes qui ont créé de l’incertitude et parfois des turbulences, la situation mondiale peut certainement se passer d’autres problèmes préoccupants. La Chine devrait se concentrer,comme tout le monde, sur son économie et développer de nouveaux espaces de croissance dans les mois à venir. Nous devons juste espérer qu’après plusieurs années où les défis ont semblé augmenter plutôt que diminuer, des temps meilleurs s’annoncent. Trouver les bons domaines pour travailler ensemble, et les raisons de le faire, et travailler collectivement pour améliorer le niveau global de notre dialogue sont des points de départ extrêmement importants. Et le travail pour cela doit commencer non pas demain, ni la semaine prochaine, ni l’année prochaine, mais dès aujourd’hui !

*KERRY BROWN est contributeur éditorial àBeijing Reviewet directeur du Lau China Institute au King’s College de Londres.