Reportage d’Ouganda par GODFREY OLUKYA
L’élargissement de la Communauté d’Afrique de l’Est est bénéfique au développement économique des pays membres
Durant 20 ans, Ismail Kadogo a roulé sur de longues distances, transportant des marchandises de Mombasa au Kenya et de Dar es Salaam en Tanzanie vers la République démocratique du Congo (RDC).
L’une de ses préoccupations consistait à obtenir les bons documents pour conduire son véhicule en RDC. Il lui fallait alors jusqu’à deux jours pour se procurer la documentation adéquate.
« Comme la RDC n’était pas un État membre de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), je devais à chaque fois renouveler les documents d’entrée après avoir traversé l’Ouganda ou le Rwanda », a raconté Ismail.De Mombasa, il lui était facile de traverser l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie, car tous sont membres de l’EAC.Hormis la vérification des marchandises transportées,rien d’autre n’était requis.
Mais les choses ont changé. Le 11 juillet, la RDC a officiellement rejoint l’EAC, devenant son septième État membre.
Cela permet à Ismail d’entrer et de sortir facilement de la RDC, comme il le fait dans d’autres pays membres.
Le nouveau membre a massivement élargi le territoire du bloc commercial de l’EAC, lui donnant accès à l’océan Atlantique et augmentant considérablement le nombre de francophones dans ce qui a commencé comme un club d’anciennes colonies britanniques.
Selon le secrétaire général de l’EAC, Peter Matuku Mathuki, la communauté peut désormais accéder plus facilement à la Zone de libre-échange continentale africaine, affirmant qu’elle « s’étend désormais de l’océan Indien à l’océan Atlantique, ce qui rend la région plus compétitive ».
Juste avant la RDC, le Soudan du Sud est devenu le sixième État membre le 5 septembre 2016. La décision des deux pays a été motivée par la viabilité économique de la zone.
Des véhicules d’ingénierie pour la Tanzanie sont embarqués au port de Yantai,dans la province du Shandong, le 28 avril 2020.
D’après Jackson Okulu, agent commercial à Djouba,capitale du Soudan du Sud, le choix du Soudan du Sud a permis aux commerçants de leur pays d’exercer plus facilement. « L’EAC est comme l’Union européenne. Les pays membres forment une union dans laquelle leurs citoyens se déplacent librement d’un pays à l’autre,échangent librement ou utilisent tout autre service sans aucun encombrement », a-t-il fait part.
Le Président de la RDC, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, s’est réjoui de l’augmentation du commerce intra-EAC et de la réduction des tensions entre les États partenaires. Il souhaite voir la création d’un nouvel organe au sein de l’EAC qui se concentre uniquement sur les mines, les ressources naturelles et l’énergie, et qui sera basé dans son pays, à Kinshasa. La RDC possède de vastes ressources naturelles et représentait plus des deux tiers de la production mondiale de cobalt en 2021.
Le Président ougandais Yoweri Museveni est l’un des principaux partisans de l’élargissement de l’EAC.Il considère que plus il y a de pays qui rejoignent la communauté, mieux c’est pour les habitants de ces pays et du continent dans son ensemble. Selon lui,la Chine est devenue une puissance économique en raison de sa grande population. C’est la raison pour laquelle il plaide pour un grand marché africain uni.
La République démocratique du Congo a massivement élargi le territoire du bloc commercial de l’EAC,lui donnant accès à l’océan Atlantique.
L’EAC a vu le jour en 1967 avec trois pays, le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda, quatre ans à peine après avoir obtenu leur indépendance.
L’objectif principal était d’avoir un commerce régional et un bloc politique pour accélérer le développement dans les États membres. Les choses ont bien fonctionné,avec de nombreuses institutions mises en place telles que la compagnie aérienne d’Afrique de l’Est, la compagnie maritime d’Afrique de l’Est, l’école d’aviation d’Afrique de l’Est, le conseil des examens d’Afrique de l’Est et le tribunal d’Afrique de l’Est, entre autres.
Cependant, en 1977, l’EAC s’est effondrée. Ce n’est que 20 ans plus tard que les trois pays ont convenu de reprendre là où ils s’étaient arrêtés et ont ressuscité la communauté. Quelques années plus tard, le Rwanda et le Burundi ont rejoint le bloc, suivis du Soudan du Sud et maintenant de la RDC.
En juillet de cette année, lors de la réunion des chefs d’État de l’EAC à Arusha, en Tanzanie, la Somalie a envoyé une délégation car elle aspire à rejoindre la communauté. Les États membres ont déclaré qu’ils étudieraient la demande et prendraient une décision en temps voulu.
Philip Mpango, économiste tanzanien, estime qu’il existe de nombreux avantages dont les pays bénéficient après avoir rejoint le bloc. « L’EAC guide la libre circulation des biens, de la main-d’œuvre, des services et des capitaux,ainsi que le droit de résidence et d’établissement »,a-t-il partagé.
Le directeur général du Rwandan East African Business Council, John Bosco Kalisa, abonde en ce sens et ajoute que les États membres bénéficient de barrières non tarifaires et ne souffrent plus de procédures arbitraires et peu claires.
Dans la perspective de l’intégration de la Somalie au sein du bloc, l’homme d’affaires sud-soudanais d’import/export Dennis Luku rappelle qu’avec ses longues côtes, la Somalie pourrait fournir un accès supplémentaire à la mer.
Le professeur Aaron Mukwaya du département des sciences sociales de l’Université de Makerere en Ouganda est également optimiste quant au bloc.« L’intégration des États africains dans des blocs économiques est une initiative bienvenue qui peut permettre aux pays membres de bénéficier d’un marché plus vaste et de la libre circulation des personnes »,a-t-il affirmé.
Son point de vue a été repris par le porte-parole du gouvernement ougandais, Ofwono Opondo. Il observe qu’en dehors de la coopération commerciale, politique et sécuritaire, les autres avantages dont bénéficient les nouveaux pays membres lors de leur admission dans le bloc sont la libre circulation des personnes et des biens.
De hauts responsables politiques comme le viceprésident burundais Prosper Bazombanza ont rappelé au bloc les problèmes de sécurité. « Les projets et programmes de l’EAC sont vitaux et leur mise en œuvre est essentielle pour le processus d’intégration.Nous devons renforcer nos efforts pour protéger nos frontières contre le terrorisme, la piraterie et d’autres crimes transnationaux », a-t-il enjoint. CA