Les BRICS l’emportent sur les blocs

2022-08-03 08:09ParRADHAWARRIOR
今日中国·法文版 2022年8期

Par RADHA WARRIOR

Certaines personnes pourraient être déçues par l’absence de nouvelles sensationnelles au Sommet des BRICS qui s’est tenu en juin. Avant cela, le président américain Joe Biden, avec son Partenariat pour l’infrastructure et l’investissement mondiaux, avait annoncé une initiative d’infrastructure mondiale de 600 milliards de dollars, qui avait la certitude de faire la une des journaux, mais qui a laissé un sentiment de confusion quant à la provenance de cet argent.

Maintenant que le sensationnalisme est retombé et que même l’autre réunion très attendue fin juin, à savoir le Sommet de l’OTAN, a échoué à fournir un contenu plus excitant que l’invitation formelle à la Finlande et à la Suède à devenir des membres du club, c’est peut-être le bon moment pour se pencher sur le Sommet des BRICS, car comme le dit le dicton : « Les eaux stagnantes sont profondes. » Bien que la réunion annuelle du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud ait attiré plus que sa part habituelle d’attention, cette fois en raison de la présence de la Russie alors qu’elle est boudée sur la scène mondiale en conséquence de la crise ukrainienne, le travail tangible et réel du groupe est passé pratiquement inaperçu.

Une rare exception a été la représentante du ministère brésilien des Affaires étrangères Ana Maria Bierrenbach, qui a énuméré trois résultats concrets dans le rapport publié par le Centre brésilien des relations internationales, un think tank de Rio de Janeiro. Elle a qualifié la Nouvelle banque de développement (NBD), la banque des BRICS fondée en 2014 pour financer des projets d’infrastructure et de développement durable dans les cinq pays membres ainsi que dans d’autres économies émergentes et en développement, de « plus grande réalisation des BRICS depuis sa création ». Les deux autres résultats étaient le centre de recherche sur les vaccins récemment lancé et un accord sur la facilitation douanière pour le commerce au sein du groupe.

Un sous-forum sur le thème « Défendre le concept d’ouverture et promouvoir la reprise économique mondiale » est organisé lors du Forum d’affaires des BRICS à Beijing, le 22 juin 2022.

La NBD est la base cruciale sur laquelle les BRICS peuvent construire de nouveaux outils économiques. L’une des principales raisons est sa crédibilité. Depuis qu’elle a commencé ses opérations en 2015 avec un capital initial autorisé de 100 milliards de dollars, elle s’est imposée comme un prêteur avec une acceptation qui va au-delà des pays membres. Alors que le parent BRICS réfléchit toujours à l’admission de nouveaux membres, bien que plusieurs pays aient manifesté leur intérêt, de l’Iran à l’Argentine, la progéniture NBD a agi plus rapidement, s’étendant à quatre nouveaux adhérents l’année dernière : le Bangladesh, les Émirats arabes unis, l’Uruguay et l’Égypte.

Sur le plan opérationnel, son travail le plus véloce a sans doute été enregistré pendant la pandémie. Les membres des BRICS ont pu obtenir des fonds d’une valeur d’un milliard de dollars chacun grâce au programme de prêts d’urgence COVID-19 de la NBD, pour soutenir soit les mesures en matière de soins de santé, soit la reprise économique, soit les deux. Elle a fourni une aide de proximité au lieu d’avoir à toquer à la porte de la Banque mondiale, du FMI ou d’autres donateurs avec des conditions préalables.

Chargement d’un porte-conteneurs à destination de l’Afrique du Sud dans la Zone pilote de libre-échange du Shandong à Qingdao, le 22 juin 2022

La NBD est également une partenaire des BRICS dans la réalisation de leurs objectifs de développement durable. Pour les aider à atteindre leurs objectifs de réduction des émissions et d’augmentation de l’utilisation d’énergie propre, elle a financé des projets allant d’un éclairage solaire à Brasilia, la capitale brésilienne, à des programmes déjà approuvés pour le développement des énergies renouvelables en Russie et des infrastructures d’écotourisme dans le Meghalaya, un État sous- développé du nord-est de l’Inde.

L’initiative « Centre de recherche et de développement de vaccins des BRICS », lancée cette année, est également un projet pertinent, notamment avec les alertes de nouvelles pandémies. Ce centre met en commun la recherche et les expériences épidémiologiques des institutions des pays membres pour produire de nouveaux vaccins en cas de nouvelles pandémies et accroître la production de vaccins existants afin que d’autres pays en développement puissent y accéder. L’objectif est de lutter contre « l’apartheid vaccinal ». L’année dernière, l’Organisation mondiale de la santé a fixé un objectif de 70 % pour la couverture vaccinale mondiale, qui aurait dû être atteint en juin de cette année. Mais seuls 58 de ses 194 États membres ont rempli cet objectif. En particulier dans de nombreux pays africains, à peine 20 % de la population, voire moins, a été vaccinée.

Les BRICS encouragent également à une renonciation temporaire des brevets sur les vaccins pour combler le gouffre des vaccins entre les pays développés et les pays en développement, et le centre de R&D, bien que virtuel à l’heure actuelle, soutiendra la création de centres de production de vaccins locaux nés de la collaboration. Cependant, il s’agit d’une nouvelle initiative qui aura besoin de temps pour être mise en place et gagner la confiance à l’échelle internationale. À cet égard, la NBD a une longueur d’avance.

La situation géopolitique actuelle a montré une fois de plus l’importance d’un projet sur lequel les BRICS réfléchissent depuis longtemps : un système de paiement transfrontalier BRICS et une agence de notation de crédit BRICS ou une alliance d’agences.

À ce jour, trois agences de notation occidentales dominent le secteur : Fitch, Moody’s et Standard and Poor’s. Cependant, des problèmes de confiance se posent. L’une des doléances est que certaines des évaluations négatives qu’elles ont émises à propos des économies en développement n’étaient pas justes, mais influencées par des intérêts politiques ou autres. Lors de la crise financière de 2008, leurs appréciations erronées ou motivées sont apparues au grand jour. À elle seule, Moody’s, par exemple, aurait accepté de s’acquitter de plus de 800 millions de dollars pour régler avec les autorités fédérales et étatiques américaines ses notations de titres hypothécaires à risque. Ensemble, les agences de notation ont payé plus de deux milliards de dollars d’amendes.

La NBD est la base cruciale sur laquelle les BRICS peuvent construire de nouveaux outils économiques.

Plusieurs membres des BRICS affirment avoir été injustement évalués en raison de la politique et de l’hostilité occidentale envers leurs gouvernements. D’un autre côté, ils ont tous leurs agences de notation nationales. Cependant, ces agences manquent d’une reconnaissance plus large. Ainsi, les BRICS peuvent développer une nouvelle agence à partir de zéro ou former une alliance avec celles existantes. L’un des principaux défis auxquels ils seront confrontés est le scepticisme des investisseurs occidentaux. Mais si la NBD met tout son poids derrière une telle agence, sa crédibilité est appelée à se renforcer.

Il en va de même pour un système de paiement transfrontalier. La tentative de déconnecter les banques russes du système mondial de paiement en ligne SWIFT à la suite de la crise ukrainienne montre l’importance d’avoir des alternatives. Avec les incertitudes géopolitiques, qui sait, d’autres membres des BRICS pourraient être confrontés à une situation similaire, surtout si l’insistance occidentale pour condamner la Russie grandit.

En outre, un facteur positif doit être pris en compte : la croissance rapide du commerce électronique. En 2020, selon un rapport d’activités des BRICS, les transactions mondiales de commerce électronique interentreprises valaient à elles seules environ 7 000 milliards de dollars. D’ici 2027, elles devraient augmenter de plus de 17 %. Avec des procédures douanières normalisées, une monnaie de transaction et un système de paiement uniformes galvaniseraient le commerce des BRICS.

Un gros travail est déjà en cours dans la ville portuaire chinoise de Xiamen, qui a accueilli le Sommet des BRICS en 2017. En 2020, le Partenariat des BRICS sur le Nouveau centre de révolution et d’innovation industrielles y a été fondé pour permettre aux organisations et aux entreprises des BRICS d’utiliser le numérique et d’autres hautes technologies telles que l’intelligence artificielle, la blockchain et lebig data. Il a été proposé que de tels centres soient également créés dans les autres pays membres.

Comment peuvent-ils contribuer à stimuler le commerce ? Cette année, le Salon international de l’investissement et du commerce de Chine, le plus grand salon mondial de l’investissement organisé chaque année à Xiamen, comprenait une plateforme en ligne exclusivement réservée aux produits des BRICS. Elle était soutenue par une plateforme hors ligne dans le Parc industriel de commerce électronique transfrontalier de Xiamen, où plus de 700 produits ont été présentés. Xiamen pilote déjà l’innovation numérique pour le commerce transfrontalier. Si cela se reproduisait dans les autres pays membres des BRICS, leur commerce prendrait de l’ampleur.

La NBD y participe déjà. Elle a signé cette année un accord avec le Centre d’innovation de Xiamen pour coopérer dans plusieurs domaines, de l’IA à la conservation de l’énergie.

Mais la réalisation la plus remarquable de la NBD – ainsi que des BRICS – est peut-être la coopération pragmatique malgré les différences politiques. L’Inde et la Chine, les deux plus grandes économies du groupe, ont des hauts et des bas dans leurs relations bilatérales, y compris de véritables affrontements militaires. Et l’Inde est également membre du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité qui comprend les États-Unis, le Japon et l’Australie, et qui est considéré par la Chine comme une initiative visant à la contenir. Cependant, cela n’a pas empêché l’Inde et la Chine de se concerter au sein des BRICS et de parvenir à un consensus. Cela n’a pas non plus conduit la NBD à prêter plus à l’une qu’à l’autre.

À l’heure où le monde éclate en blocs hostiles les uns envers les autres, cela reste un bon exemple à retenir.