Petits musées,grand patrimoine

2022-07-05 03:23ParLIUCHANGmembredeladaction
今日中国·法文版 2022年7期

Par LIU CHANG, membre de la rédaction

Un acteur de l’opéra de Pékin lors de la cérémonie d’ouverture de la Foire de la fête du Printemps organisée au Musée de la cour n° 93, le 6 février 2018

Dashilan et Liulichang, situés au centre-ville de Beijing, sont des quartiers historiques et culturels renommés. Un musée discret se niche dans le dédale de petites maisons aux murs gris : le Musée de la cour n° 93. Depuis 2014, il favorise la diあusion du patrimoine culturel immatériel et des arts populaires.Cette institution tire son nom du fait qu’elle est installée au 93 dans la rue Tieshu Xiejie. S’imprégnant de la culture traditionnelle chinoise, les visiteurs peuvent également découvrir l’architecture des maisons à cour carrée les plus représentatives du vieux Beijing et la culture authentique deshutong(des ruelles traditionnelles de Beijing).

Mieux faire connaître le patrimoine immatériel

Le musée est installé dans unsiheyuan(une habitation quadrangulaire avec cour centrale) et s’étend sur une centaine de mètres carrés. C’est fin 2013, lorsque les anciens quartiers de l’arrondissement de Xicheng ont été évacués et rénovés, que le projet a vu le jour. « La zone autour de Tieshu Xiejie est enveloppée d’une forte atmosphère historique et culturelle, et on y trouve la résidence ancestrale de Mei Lanfang et l’ancienne demeure de Tan Xinpei (deux artistes de l’opéra de Pékin) », explique Lin Yi, directeur du musée, précisant que cette cour inutilisée avait été choisie pour abriter un petit musée sur le thème du patrimoine culturel afin de redonner vie aux ressources patrimoniales et de mieux les faire connaître.

« Le concept de petit musée est né en Occident. S’il est petit par la taille, son thème est porteur et son exploitation souple, facilitant la proximité avec le public et les touristes.Le Musée de la cour n° 93 met en pratique ce concept avec succès, donnant une visibilité rare au patrimoine culturel immatériel. Il attire un nombre sans cesse plus grand d’artisans et de passionnés, et permet de découvrir la culture traditionnelle à Beijing. C’est un vrai bonheur. »

Le musée organise depuis sa création des expositions mensuelles sur le thème du patrimoine culturel immatériel et de l’artisanat folklorique de Beijing, notamment celui du « singe poilu », du « dieu lapin », du cerf-volant, de la sculpture sur bois et de la technique de l’incrustation d’or.Il programme également chaque semaine des conférences et des ateliers, et a déjà invité plus d’une centaine d’héritiers du patrimoine immatériel à faire découvrir leur art aux jeunes et aux passionnés. L’entrée du musée ainsi que les expositions sont gratuites, et les ateliers sont proposés à des prix raisonnables. « Le mode de vie des gens a beaucoup changé et l’espace consacré au patrimoine culturel immatériel s’est réduit et est de plus en plus éloigné de nos vies. Ce patrimoine doit donc s’enraciner dans la communauté et se rapprocher plus intimement des gens,pour qu’ils puissent mieux le connaître et s’y intéresser,afin d’assurer sa transmission », avance M. Lin.

Le musée s’adresse aussi aux étrangers avec des explications en chinois et en anglais. En plus d’accueillir les touristes étrangers en son sein, il leur propose un itinéraire de visite dans la zone Dashilan-Liulichang, leur faisant goûter l’atmosphère du vieux Beijing avant de faire l’expérience du patrimoine dans des ateliers afin d’aiguiser leur curiosité. En juin 2018, lors d’un voyage d’études, des enfants américains de l’Institut Confucius du Kentucky occidental ont pris le temps de passer un moment dans le musée. En septembre 2020, l’institution a aussi exposé des masques de l’opéra de Pékin à l’ambassade du Royaume d’Arabie saoudite en Chine.

Une création du « dieu lapin »

Semer les graines du patrimoine culturel immatériel

En approfondissant ses recherches, M. Lin s’est progressivement rendu compte que les expositions et les ateliers ne suきsaient pas pour bien assurer la transmission : il fallait donner à davantage d’enfants l’opportunité d’acquérir une connaissance pointue du patrimoine culturel immatériel et leur laisser l’initiative de la création afin de stimuler leur intérêt dans la durée. Le musée a donc commencé à combiner patrimoine et enseignement pour creuser cette approche.

Prenant appui sur les ateliers, le musée a ouvert des classes permettant aux enfants de connaître l’histoire derrière le patrimoine culturel immatériel. « Par exemple, un cerf-volant apparemment simple contient un trésor de connaissances. En plus des techniques de fabrication à la main, la structure d’un cerf-volant implique également des principes de physique et de mathématiques. La forme et la conception des couleurs sont le reflet de l’esthétique chinoise, et la coutume consistant à faire voler les cerfs-volants pendant le jour de Qingming (une journée consacrée à entretenir des tombes et rendre hommage aux ancêtres) appartient également à la culture traditionnelle chinoise », indique M. Lin.Pour chaque forme d’artisanat, ces classes ouvrent de nouveaux horizons aux enfants et cultivent leurs qualités pluridisciplinaires.

En octobre 2016, un musée a été inauguré dans l’enceinte de l’École Zhao Dengyu dans l’arrondissement de Fengtai à Beijing, avec la participation du Musée de la cour n° 93. Il comprend une zone d’exposition et une zone d’expérience. En plus de l’exposition permanente, il propose quatre expositions thématiques chaque année. Il sert de référence à Beijing, mais aussi au reste du pays.

Depuis 2018, Lin Yi et Zheng Hong, principal du Collège des Pissenlits, cherchent à combiner musée et enseignement. Ce collège est un établissement d’intérêt public créé il y a 17 ans pour les enfants de travailleurs migrants. Les élèves viennent de 700 villages de plus de 20 provinces de Chine. Récemment, le projet « L’école comme musée »a pris forme et il introduira le musée, ses contenus et ses conceptions dans le programme de l’école. Il sera ouvert au public et oあrira un espace éducatif et artistique, intégrant en profondeur l’enseignement, l’art et la société.

Le Musée de la cour n° 93 a aussi lancé des cours en ligne intitulés « Planète patrimoine » qui se concentrent sur les ressources du patrimoine dans les grands musées,très riches mais souvent hermétiques. Chaque mois, un aspect particulier est mis en exergue, comme l’histoire,l’artisanat ou les caractères chinois, avec des explications en chinois et en anglais, pour le plus grand plaisir des enfants.

Les visiteurs peuvent découvrir l’architecture des maisons à cour carrée les plus représentatives du vieux Beijing.

Faire revivre ensemble l’Axe central de Beijing

Les opérations de transformation et de restauration ont donné aux vieux quartiers un nouveau visage et permis leur exploitation commerciale. La construction de petits musées dans la zone Dashilan-Liulichang, au cœur de l’Axe central de Beijing, est un modèle à mettre en place pour tirer pleinement parti des espaces inutilisés et constituer des noyaux culturels.L’objectif est de former une zone à fort contenu culturel qui puisse attirer les visiteurs et redonner vie à l’ensemble de ces quartiers. Le Musée de la cour n° 93 est la première initiative du genre pour y parvenir.

Des employés étrangers de China International Communications Group montrent leurs cerfs-volants fabriqués avec Zhang Lei (1er rang, 4e d.), héritière des cerfs-volants de la famille Cao, au Musée de la cour n° 93, le 8 juillet 2017.

En 2016, s’inspirant de ce modèle d’investissement public/privé, le Musée de la porcelaine de Laoyao a ouvert à Tieshu Xiejie. Il s’agit du premier musée thématique de Beijing qui se concentre sur la recherche académique,les expositions, l’innovation culturelle et les échanges de collections de porcelaine ancienne.

Par ailleurs, ces deux dernières années, les magasins Neiliansheng et Ruifuxiang, à Dashilan, ont commencé à adapter leurs chaussures et chapeaux traditionnels pour combiner commerce et culture. Et dans le quartier voisin de Wudaomiao, à Yingtao Hutong, autrefois purement résidentiel mais devenu une zone piétonne, un nouvel atelier de café artisanal a ouvert ses portes.

M. Lin a participé aux travaux de recherche liés à la candidature de l’Axe central de Beijing au patrimoine culturel mondial de l’UNESCO. Selon lui, le plus important est de combiner la protection de la vieille ville et sa revitalisation, et cela au bénéfice du plus grand nombre.

Les petits musées entrent évidemment dans ce projet,même s’il reste des défis à surmonter. Selon M. Lin, en plus de l’impact de l’épidémie, les modalités de leur développement durable doivent être renforcées, tant sur le plan économique que sur le plan de la création de valeur socioculturelle. Le Musée de la cour n° 93 explore ainsi de nouvelles modalités d’exploitation comme le développement de cours interactifs sur Internet et la mise sur pied de nouvelles plateformes médiatiques. Il s’agira d’intégrer davantage de ressources du patrimoine culturel immatériel, mais aussi d’animer et de fédérer des groupements de musées dans la zone pour que la culture traditionnelle revive et fleurisse.