par GE LIJUN
Un bus à hydrogène circule à Chengdu,au Sichuan.(FENERGY)
La Chine a mis en place un plan national pour développer l’hydrogène afin de réduire les émissions carbone
En quatre mois, grâce aux résultats des premiers bus à hydrogène, les autorités de la ville de Chengdu (Sichuan) sont devenues confiantes :elles ont récemment pris livraison d’un deuxième arrivage. L’entreprise chinoise Fenergy,fournisseur de piles à combustible pour ces bus, travaille depuis longtemps avec de nombreux producteurs automobiles, faisant circuler des véhicules à hydrogène dans les rues de nombreuses villes chinoises.
Quasi inépuisable, n’émet pas de gaz à effet de serre(GES), l’hydrogène n’est pas une source d’énergie mais un véritable « vecteur énergétique », comme l’électricité. Pour atteindre les objectifs de pic de carbone et de neutralité carbone, la Chine s’intéresse aujourd’hui à la production et à l’utilisation de l’hydrogène bas-carbone et renouvelable, publiant le 23 mars un plan sur le développement de l’hydrogène durant la période 2021-2035. En tant qu’énergie, l’hydrogène pourrait contribuer à décarboner certains secteurs industriels, assurer le stockage de l’électricité et alimenter le secteur des transports.
« L’hydrogène est un nouveau secteur stratégique et un vecteur important pour parvenir au développement écologique du pays. S’appuyant sur l’innovation, le secteur connaîtra une croissance rapide, contribuant ainsi au développement de haute qualité de la Chine »,a déclaré Wang Xiang, vice-directeur du Département de hautes technologies de la Commission nationale du développement et de la réforme, lors d’une conférence de presse.
Le projet a renforcé le rôle de l’hydrogène comme une énergie. « En tant que produit, les gaz sont utilisés à plusieurs fins, tandis que l’hydrogène est considéré comme une énergie, jouant un rôle clé dans la quête de réduction des émissions de GES », a expliqué Yan Hui, ingénieur de l’entreprise Fenergy, àCHINAFRIQUE.
Selon M. Wang, la Chine est le plus grand producteur d’hydrogène au monde, avec une production annuelle de 33 millions de tonnes pour une capacité de 40 millions.En Chine, 80 % de l’hydrogène est produit à partir d’hydrocarbures (charbon ou gaz naturel), et environ 20 % à partir de sous-produits industriels (chlorealcali, gaz de cokerie, entre autres). Cet hydrogène est nommé hydrogène gris car son procédé de fabrication libère énormément de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. Alors que l’hydrogène fait à partir d’énergies renouvelables, comme l’hydroélectricité ou l’éolien,l’hydrogène vert, est très peu produit en Chine.
« C’est vrai que la Chine possède actuellement beaucoup plus d’hydrogène gris que vert, il faut donc limiter strictement la production d’hydrogène issu d’énergies fossiles, en insistant sur la production d’hydrogène vert », a poursuivi M. Wang. Avec la plus grande capacité installée de production d’énergie renouvelable au monde, la Chine dispose d’un énorme potentiel de production d’hydrogène écologique. Le plan stipule que sa production annuelle devra atteindre 100 000 tonnes à 200 000 tonnes d’ici 2025, ce qui permettra une réduction d’émission de CO2d’un million à deux millions de tonnes par an.
Ces deux dernières années, le développement de l’hydrogène vert est en vogue : la Zone de démonstration des énergies renouvelables de Zhangjiakou(Hebei), approuvée en 2015, a fourni de l’hydrogène vert dédié aux bus à pile à combustible pour les Jeux olympiques d’hiver de Beijing 2022, grâce aux riches ressources éoliennes et photovoltaïques de la ville ; la région autonome hui du Ningxia, s’appuyant sur ses riches ressources photovoltaïques, a mis en place des projets d’hydrogène pour décarboner le secteur du charbon. Plus de 40 projets de production d’hydrogène issu des sources éoliennes et photovoltaïques sont en construction ou en préparation.
Les politiques sont avantageuses pour le marché,surtout dans le secteur des transports. Selon le plan,le nombre de véhicules à hydrogène passera de 8 000 à 50 000 d’ici 2025, déployant davantage la construction de stations-services. « Ces politiques de soutien encouragent plus d’entreprises à s’y greffer,et renforcent la confiance des investisseurs dans le secteur », indique M. Yan.
33 MILLIONS DE TONNES Production annuelle d’hydrogène en Chine
100 000-200 000 TONNES Production annuelle
d’hydrogène vert d’ici 2025
50 000 Nombre de véhicules à hydrogène d’ici 2025
157 MILLIARDS DE DOLLARS Valeur de la production d’hydrogène en Chine d’ici 2025
Les véhicules à hydrogène sont à l’avant-garde de l’industrie de l’hydrogène. SAIC Motor, l’une des premières entreprises automobiles à développer la technologie des piles à combustible en Chine, a lancé un projet de véhicule en 2001. Au total, les véhicules à hydrogène de SAIC ont parcouru près de 5 millions de kilomètres,avec une réduction combinée des émissions de carbone qui dépasse les 600 tonnes, ce qui revient à planter 120 000 arbres.
« À l’heure actuelle, il s’agit surtout de véhicules utilitaires moyens et lourds, comme des camions et des bus. C’est l’usage majeur de l’hydrogène dans les transports », explique M. Yan. Cependant, il ne s’arrête pas là.
« Le plan revêt une grande importance pour le secteur puisqu’il cerne davantage de domaines d’utilisation autres que les véhicules », ajoute-t-il. Le plan met aujourd’hui l’accent sur la production d’électricité,dans le domaine des réserves énergétiques et dans de multiples lieux d’application, tels que les hôpitaux, les écoles et les mines. L’hydrogène va également remplacer les énergies fossiles dans certains procédés chimiques pour décarboner ainsi le secteur industriel. Par exemple,dans l’industrie métallurgique, le charbon sera remplacé par l’hydrogène pour réduire les émissions de GES.
Il y aura d’énormes débouchés à l’avenir, comme le montrent les données de l’Alliance chinoise de l’hydrogène, d’ici 2025, la valeur de la production de l’hydrogène en Chine atteindra 1 000 milliards de yuans (157 milliards de dollars). D’ici 2050, la demande en hydrogène sera proche de 60 millions de tonnes ;l’hydrogène représentera plus de 10 % du réseau électrique chinois et la valeur de la production annuelle de la chaîne industrielle atteindra 12 000 milliards de yuans (1 885 milliards de dollars).
Toutefois, ce secteur n’en est qu’à ses balbutiements.Il doit relever de nombreux défis, tels que le manque de capacité d’innovation ainsi que le faible niveau de technologies et d’équipements. Côté infrastructure, les stations-services à hydrogène sont peu nombreuses.« Car nous manquons encore d’expériences dans ce secteur. L’écart technologique entre les entreprises nationales et étrangères se réduit progressivement »,confie M. Yan.
« Les politiques élaborées dans le cadre du plan sont claires et logiques ; elles ouvrent la voie au secteur. Les entreprises seront prêtes à l’explorer en fonction de leurs compétences, de demande du marché et de leur propre plan de développement », conclut l’ingénieur. CA