Reportage d’Éthiopie par KIRAM TADESSE
Les chefs d’État et de gouvernement africains assistent au 35e Sommet de l’UA à Addis-Abeba, en Éthiopie, le 6 février.
En tête de l’ordre du jour du Sommet de l’Union africaine (UA) cette année : sécurité et gestion de la pandémie de COVID-19. Et ce, en dépit du thème qui avait été choisi, à savoir « Renforcer la résilience en matière de nutrition sur le continent africain : accélérer le capital humain et le développement social et économique ».
Les chefs d’État et de gouvernement africains ont tenu leur 35e session au siège de la Commission de l’Union africaine (CUA) à Addis-Abeba, en Éthiopie,les 5 et 6 février. Cette année marque également le 20e anniversaire de l’organisation. Le président de la CUA, Moussa Faki Mahamat, a donc appelé à une nouvelle approche pour aborder les questions de sécurité sur le continent. Il a averti que celles-ci concernaient bien l’ensemble de la communauté internationale,ajoutant que la crise du multilatéralisme était réelle et significative.
Le Président sénégalais Macky Sall, qui a pris ses fonctions à la tête de la présidence de l’UA pour un an,veut donc se concentrer sur la paix du continent pendant son mandat. Il a lui aussi déclaré que les problèmes de chômage, d’insécurité et de terrorisme concernaient le monde entier et ne constituaient pas une raison valable pour que les militaires engagent des coups d’État et des changements de régime en Afrique. Selon Macky Sall, l’Afrique a parcouru un long chemin en matière de développement et d’intégration. « Nous avons fait d’importants progrès, mais le chemin est encore long pour atteindre nos objectifs communs. L’Agenda 2063 a jeté les bases et fixé les objectifs », a-t-il déclaré.
Bien qu’il existe un intérêt accru pour l’Afrique, l’UA a observé qu’il ne s’était pas encore traduit par un développement substantiel en faveur du continent.
« L’UA doit revoir son approche des partenariats »,a souligné le président de la CUA, ajoutant que ceux-ci devaient se concentrer sur des mégaprojets concrets, transformateurs et intégrateurs dans les cinq domaines prioritaires que sont la paix et la sécurité, les infrastructures et l’énergie, le changement climatique, le financement innovant du développement, et la formation des jeunes et des femmes à l’autonomisation.
L’Afrique compte 1,3 milliard d’habitants et plus de 30 millions de km2de territoires. M. Sall a évoqué le potentiel du continent en citant ses importantes réserves d’eau, le fait qu’il dispose de 60 % des terres arables et des hydrocarbures, ainsi que 40 % des réserves d’or mondiales. Il a également déclaré que l’Afrique possédait entre 85 et 95 % des réserves mondiales de métaux, plus de 50 % de celles de cobalt et un tiers des réserves d’oxyde. Seulement, pour le Président,l’économie africaine reste largement sous-financée en dépit de cet immense potentiel. En cause, les règles et les procédures rigides des institutions financières internationales, qui entravent l’accès aux financements cruciaux pour le développement.
Macky Sall a également déclaré que la perception du risque concernant l’investissement en Afrique restait supérieure au risque réel. Une situation qui entraîne une augmentation des taux d’intérêt, et qui pénalise la compétitivité des économies africaines. Enfin, M. Sall a appelé les membres de l’UA à concentrer leurs efforts sur la réforme de la gouvernance économique et financière internationale.
Amany Asfour, présidente de l’Africa Business Council, qui représente le secteur privé africain, a indiqué àCHINAFRIQUEque les relations avec les partenaires internationaux devaient se faire sur un pied d’égalité, dans une situation gagnant-gagnant. « Les investissements des partenaires internationaux sur le continent doivent être basés sur la création d’emplois, le transfert de technologie, ainsi que la valeur ajoutée aux matières premières. » Il est très important d’identifier« quels sont nos besoins et quelles sont les opportunités d’investissement, afin que les partenaires internationaux puissent investir conformément à notre programme »,a poursuivi Mme Asfour.
S’adressant àCHINAFRIQUE, Mabingué Ngom,conseiller principal du directeur exécutif du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) et directeur de la représentation de l’UNFPA auprès de l’UA, voit clairement des opportunités dans la recherche de solutions pour faire avancer l’agenda africain. « Le sommet a été une occasion unique pour les dirigeants du continent de trouver des moyens de qualité pour aborder la paix et la sécurité, les problèmes de développement et les besoins des populations », a expliqué M. Ngom,optimiste. Selon lui, l’Afrique trouvera de meilleurs partenariats qui permettront d’accélérer la mise en œuvre de l’Agenda 2063.
Le Président Xi Jinping, dans un message adressé au sommet, a également exprimé la volonté de la Chine à travailler avec l’Afrique pour mettre en œuvre l’Agenda 2063, et la construction de la Zone de libre-échange continentale africaine, pour étendre la coopération et l’amener à un niveau supérieur.
Le président de la CUA, Moussa Faki Mahamat, s’adresse au sommet le5 février.
Le sommet a été une occasion unique pour les dirigeants du continent de trouver des moyens de qualité pour aborder la paix et la sécurité, les problèmes de développement et les besoins des populations.
MABINGUÉ NGOM Conseiller principal du directeur exécutif de l’UNFPA et directeur de la représentation de l’UNFPA auprès de l’UA
Bien que l’UA affirme avoir travaillé dur pour répondre à la pandémie de COVID-19, les dirigeants, eux, ont fait part de leurs inquiétudes quant à l’indisponibilité des vaccins pour la plupart des Africains.
Les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique) et l’Agence africaine du médicament ont un rôle de premier plan dans la stratégie de santé publique de l’Afrique, et la lutte de l’UA contre la pandémie.
Lors du sommet, où l’accès aux vaccins était l’un des sujets majeurs, l’acquisition des doses et leur fabrication en Afrique ont été à l’ordre du jour de la stratégie continentale. Un certain nombre de pays ont exprimé leur intérêt à fabriquer eux-mêmes les vaccins.
Le président de la CUA a ainsi demandé aux dirigeants de soutenir les CDC Afrique. Il a également déclaré que la COVID-19 avait entraîné une contraction de la croissance de 2,1 % en 2020, de même qu’une augmentation du taux d’endettement de dix points de PIB.Cela nécessite désormais une stratégie continentale centrée sur l’identification de sources de financement innovantes, l’annulation de la dette et la réduction des effets néfastes de la pandémie sur les économies.
M. Ngom, lui, s’est montré confiant dans le travail effectué par l’UA en vue de renforcer le déploiement vaccinal. Le conseiller est également convaincu par la façon dont le continent se prépare pour de futures pandémies. Enfin, Mme Asfour a indiqué que l’Afrique devait renforcer les capacités du secteur privé (en référence à la fabrication de vaccins), car moins de 2 % des populations étaient vaccinées. « Nous devons nous demander comment nous construisons l’industrie de nos produits pharmaceutiques pour répondre à la demande », a-t-elle déclaré, ajoutant que les pays africains réalisaient des investissements pour renforcer leurs défenses face à la pandémie. CA