MATTHIEU vIS*
Du Congrès international de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) à Marseille en septembre dernier à la COP26 de Glasgow sur le climat en novembre en passant par la COP15 à Kunming en Chine d’octobre 2021 et d’avril 2022, Marseille et la Provence ont lancé de la plus belle manière un nouveau cycle de discussions et de mesures mondiales sur la transition écologique.
La Déclaration de Kunming a été adoptée le 13 octobre 2021.
La fierté marseillaise est d’autant plus grande que la transition écologique et la préservation de la biodiversité sont au cœur de la stratégie de développement de toute la Région Sud. L’urgence est là,quand nous savons que 70 % de la faune sauvage a disparu en à peine 50 ans, fragilisant tous les écosystèmes dans le monde y compris l’écosystème méditerranéen qui a particulièrement souffert.Cette région française et la métropole d’Aix-Marseille-Provence sont le symbole même du défi qui consiste à concilier la transition écologique et le développement d’une nouvelle économie. En effet, la Région Sud présente cette singularité d’être l’une des plus riches en France et en Europe, tant au niveau économique avec la concentration d’industries de haute technologie et de centres de recherche, qu’au niveau des ressources naturelles en termes de biodiversité.Plus de 60 % de l’espace métropolitain d’Aix-Marseille-Provence est constitué de réserves naturelles et même 70 % en y ajoutant les terres agricoles.
Le choix de Marseille par l’UICN pour le Congrès international sur la biodiversité en prélude à la COP15 est très représentatif de l’impératif d’avoir une vision globale de la transition écologique en enrichissant la discussion bien connue sur le changement climatique par celle qui résonne de plus en plus sur l’impact de la biodiversité sur nos citoyens et nos modèles économiques de demain. De ce point de vue, Marseille et les nombreuses villes du littoral en Chine se retrouvent dans des configurations communes où la pression démographique,le développement économique et la dégradation de la biodiversité ont largement influencé le débat mondial sur ce sujet. En France comme en Chine,la population urbaine se concentre en effet massivement sur le littoral au point qu’à l’horizon 2050,70 % de la population urbaine vivra dans ces zones géographiques.
Nous avons tendance à l’oublier, mais la biodiversité est aussi dans les villes et se trouve étroitement liée à notre développement personnel et collectif. À cet égard, Marseille est révélatrice de cette réalité contrastée puisque le Parc national des Calanques est le seul parc naturel périurbain en France tandis que 67 % des gaz à effet de serre sur notre territoire sont issus de l’industrie. La préservation de la biodiversité est liée à des enjeux forts sur la transition énergétique des zones industrielles, au point que la Région Sud a lancé le plan « Une COP d’avance »afin d’anticiper et de dépasser les engagements nationaux et de la communauté internationale.
Matthieu vis
À l’image de ce que le Congrès international de l’UICN à Marseille a rappelé en septembre dernier,la transition écologique implique nécessairement une révision de notre modèle industriel avec la création de nouvelles activités et la réorientation des anciennes afin de former une véritable écoindustrie. Pour cette raison, le développement des énergies propres est essentiel. Sur le territoire de Marseille, la production d’hydrogène vert est devenue un axe majeur de notre stratégie de développement pour le XXIesiècle. Concrètement sur le site de La Mède, le groupe Total construit l’un des plus importants projets de bioraffinerie en Europe alimentée en énergie photovoltaïque, pour produire du biocarburant à partir d’huile usagée et de microalgues. L’investissement s’élève à plusieurs centaines de millions d’euros. La métropole d’Aix-Marseille-Provence injecte également des moyens conséquents dans des projets innovants comme la captation du dioxyde de carbone émis par les sites industriels qui permet de nourrir les microalgues sur un démonstrateur dédié. Ces vecteurs d’innovation sont très importants pour nous aider à accélérer la transition écologique et à préserver la biodiversité. Par rapport à la moyenne nationale,Marseille compte un tiers de projets en plus dans la filière de l’éco-industrie et de l’environnement qui tous sont ouverts aux investissements étrangers et sont pertinents pour les acteurs industriels chinois dont l’expertise dans des secteurs d’excellence est largement reconnue à Marseille et en Provence.
Inauguration de la rame « Civilisation écologique » sur la ligne 4 du métro de Kunming le 17 mai 2021
« Nous soutenons une alliance de cœur et de raison entre Marseille et la Chine. »
À presque tous les niveaux, la réflexion de la Chine sur la création d’une industrie plus vertueuse basée sur l’économie circulaire et les énergies renouvelables est proche de la nôtre, notamment dans les provinces du Shandong et du Guangdong,ainsi qu’à Shanghai pour ne citer que celles avec qui nous tissons des liens étroits depuis de nombreuses années. Cet intérêt mutuel remonte à l’implantation de grandes industries marseillaises à Qingdao telles qu’Airbus Helicopter ou CMA CGM dans le fret maritime. Mais depuis que Qingdao a été incluse dans des programmes nationaux chinois de promotion de l’économie circulaire et de transition énergétique,nos relations ont franchi un cap à travers la récente signature avec Marseille d’un accord général guidé par l’idée de civilisation écologique et qui ouvre de nouvelles possibilités de coopération où nous pourrons beaucoup apprendre l’un de l’autre.
Le 12 septembre 2021, un panda roux mange un gâteau de lune. Des enfants avaient été invités au parc animalier du Yunnan (Kunming) pour en préparer.
Par ailleurs, en tant qu’agence de développement économique et d’attractivité, nous avons identifié les entreprises chinoises qui ont une expertise complémentaire de l’écosystème industriel déjà très structuré en Provence. Il ne s’agit donc pas d’importer des solutions chinoises clé en main, comme des parcs industriels, mais de convaincre les entrepreneurs chinois, qui sont technologiquement en avance sur les Européens ou même occupent le rôle de leaders mondiaux dans des secteurs précis,qu’investir dans notre territoire est une valeur ajoutée en matière d’éco-industrie, de transition écologique et de protection de la biodiversité. Provence Promotion a ainsi accompagné l’implantation d’une PME chinoise leader dans la production de silice, un élément clé dans la production d’un « pneu vert »qui va se dégrader nettement moins rapidement, réduisant d’autant plus l’impact sur l’environnement.Cette alliance de cœur et de raison entre Marseille et la Chine que nous soutenons se manifeste enfin à travers la protection des océans combinant les moyens de la recherche océanographique classique à ceux de la recherche spatiale. L’Institut méditerranéen d’océanologie (MIO), collabore avec différents chercheurs et organismes de recherche à Qingdao,notamment l’Institut d’océanologie de l’Académie chinoise des sciences (IOCAS). Le chercheur français Michel Denis à l’origine de cette coopération franco-chinoise s’est d’ailleurs vu décerné le prix de la coopération scientifique par le gouvernement de Qingdao en 2019.
La protection de la biodiversité, dans ses implications industrielles, scientifiques et sociales, réunit Marseille et la Chine dans une même ambition,celle de poser les fondements de la société écologique du XXIesiècle. La création du plus grand centre de production d’hydrogène vert d’Europe en France dans notre région et la disparition des deux roues thermiques au profit de l’électrique en Chine sont les deux exemples qui peuvent résumer d’un trait notre complémentarité où les Chinois, confrontés à des défis hors normes, ont beaucoup à nous apprendre en termes d’économie circulaire et de protection de la biodiversité et où Marseille a beaucoup à partager.