L’archéologie lève le voile sur la culture de Shu

2021-05-11 08:40WUMENGLiN
今日中国·法文版 2021年5期

WU MENGLiN

En septembre 2020, une nouvelle campagne de fouilles archéologiques a débuté dans la zone sacrificielle du site de Sanxingdui,à Guanghan (Sichuan), où 34 unités de recherche scientifique ont tenté de lever le voile de mystère sur l’ancien royaume de Shu.

Xu Danyang, jeune adjoint à l’Institut provincial du patrimoine culturel et archéologique du Sichuan,est retourné à Guanghan après la fête du Printemps en tant que responsable de la fosse n°4. C’est avec une grande excitation qu’avec ses collègues, ils ont été des « témoins de l’histoire ».

Un jeune archéologue fait ses premières armes

Les archéologues mènent des fouilles minutieuses.

Xu Danyang garde en mémoire certaines dates. En juin 2020, il venait d’obtenir son diplôme de l’École supérieure d’archéologie, des arts et des sciences de l’Université de Pékin et est entré à l’Institut provincial du patrimoine culturel et d’archéologie du Sichuan. Il a rapidement participé à la nouvelle campagne de fouilles dans la zone sacrificielle de Sanxingdui. Responsable de la toute première campagne de fouilles de la fosse n°4, son sens des responsabilités s’est aiguisé. « Le début des fouilles de la fosse n°4 a officiellement débuté le 9 octobre 2020. Le 14 janvier, elle a été entièrement dégagée et la couche de cendres complètement exposée. Le 16 janvier, nous avons confirmé la découverte de la première pièce en ivoire. »

Pour beaucoup, le travail de l’archéologue est à la fois fastidieux et rigoureux, mais pour Xu Danyang,ces fouilles ont été l’occasion de ressentir à la fois de la nervosité et de l’excitation.

Ces fouilles ont été expérimentales dans une certaine mesure. Les archéologues ont dû consciencieusement réfléchir à chaque étape. « Faut-il nettoyer en une seule fois cette fosse ou creuser dans différentes zones ? Dans ce cas, quelle doit en être la superficie », explique par exemple Xu Danyang.Finalement, ils ont choisi de nettoyer méticuleusement une zone de 30 centimètres carrés, puis de creuser sur 10 centimètres de profondeur au bout d’une semaine. Trop lent, cependant, et peu propice à l’observation globale des couches : il a fallu procéder à des ajustements.

Le 14 janvier, les cendres ont été entièrement déblayées. Xu Danyang ne cachait pas ses émotions.« Il y a un grand nombre de restes de faune et de flore visibles dans les cendres, comme du bambou calciné, des résidus d’os, ainsi que des micro-organismes invisible à l’œil nu. Les informations sont d’une grande importance pour la chronologie, l’archéozoologie, l’archéobotanique et l’archéologie environnementale. »

Partie d’un objet en bronze récemment découvert dans la fosse sacrificielle n°3 de Sanxingdui

Afin de mieux comprendre la stratification de la couche de cendres et de fournir une base suffisante pour d’autres travaux de fouilles et de protection, Xu Danyang a d’abord effectué une coupe de la couche de cendres dans la partie nord de la fosse n°4, d’une superficie de 15 cm2. En creusant sur 20 centimètres,du sol jaune-brun a été trouvé. Était-ce le fond de la fosse ? Xu Danyang s’est rapidement ravisé. « Les objets sous la couche de cendres sont peut-être en mauvais état. Ce qui ressemble à du sol pourrait-il être de l’ivoire putréfié ? Les archéologues ont alors commencé à chercher des traces d’ivoire et le 16 janvier, ils ont dégagé un objet pointu et circulaire en ivoire sur le côté sud de la fosse n°4. On aurait dit de la boue, mais les tests ont confirmé qu’il s’agissait bien d’ivoire, tout comme le sol jaune-brun. »

« Nous étions comme les aveugles qui tâtent un éléphant et qui obtiennent chacun une notion partielle de l’éléphant selon ce qu’ils ont touché respectivement », remarque-t-il ému.

Yang Zhen, responsable des fouilles du site de la fosse n°3, semble avoir eu plus de chance. En 2019, il a rejoint l’équipe de la zone sacrificielle de Sanxingdui. Lorsque la fosse a été creusée entre les fosses sacrificielles n°1 et n°2, unzun(récipients à vin de grande ou moyenne taille) à large embouchure de 70 cm de haut a été la partie émergée de l’iceberg, cachant une nouvelle fosse sacrificielle. Il a ressenti une excitation indescriptible. « Je sentais que nos mains allaient révéler davantage de secrets de l’ancien royaume de Shu. »

Objet en bronze extrait de la fosse sacrificielle n°3 de Sanxingdui

Un archéologue nettoie l’ivoire retrouvé dans la fosse sacrificielle n°4 de Sanxingdui.

Au début de cette année, les fouilles ont débuté dans la fosse n°3. Contre toute attente, c’est celle qui jusqu’à présent à produit le plus d’objets. Un masque géant a été découvert avant la fête du Printemps. « Je ne savais pas ce que c’était à ce momentlà, et l’euphorie m’a gagné quand les oreilles de ce masque géant sont lentement apparues. J’ai ensuite vu qu’il était en une seule pièce. Quelle joie ! » Un tel masque aussi bien conservé est encore plus précieux que ceux qui se trouvent actuellement dans les musées.

Il ne se passe pas une semaine sans que de nouvelles surprises apparaissent dans la fosse n°3. Une expérience palpitante pour Yang Zhen, qui doit aussi assurer la lourde responsabilité de la sécurité du site.

La technologie au service des fouilles

Les fouilles de la zone sacrificielle de Sanxingdui ont lieu à grand renfort de technologie.

Les boues du site de fouilles de Sanxingdui n’ont pas été jetées, mais emballées et envoyées dans un entrepôt. Rien que dans la fosse n°4, plus de 10 tonnes ont ainsi été collectées. De plus, les six fosses sacrificielles qui font l’objet de fouilles étant toutes spécifiques, les méthodes employées sont très différentes.

Xu Feihong, responsable du groupe de travail sur les fouilles archéologiques de l’Université de Shanghai, a participé aux fouilles de la fosse n°3. Au début, la méthode planimétrique de petits carrés de la fosse n°4 avaient été adoptées. Quand les vestiges ont affleuré sur la strate, la méthode est passée à des zones plus vastes afin de faire apparaître rapidement la distribution des objets.

La raison pour laquelle la fosse n°4 où se trouve Xu Danyang progresse lentement, c’est parce qu’il faut aussi faire preuve d’une extrême précaution.Après avoir fait affleurer l’ivoire, les archéologues ont découvert en-dessous des ceintures en or, descong(objet tubulaire) de jade ainsi que desbi(disque percé) de jade. Il a fallu faire un travail minutieux à la cuillère et à la tige de bambou pour retirer l’ivoire et préserver ces trésors.

En janvier 2021, Qiao Gang, un membre du personnel du Musée de Sanxingdui qui a participé aux fouilles, a photographié les pieds d’oiseaux en bronze qui venaient d’être exposés. Alors qu’il était assis à son bureau en train de regarder les clichés, il a soudainement remarqué que le sol sur lequel reposait l’artefact en cuivre était différent. Un agrandissement laissait apparaître un matériau filamenteux.Était-ce de la soie ? Un échantillon a été prélevé et l’ultramicroscopie a confirmé qu’il s’agissait bien d’un textile. Cette découverte a finalement incité les archéologues à suivre la piste pour remonter à la source et ils ont trouvé des vraies traces de soie aux alentours.

« Ces fouilles sont en effet très différentes par rapport à avant », note Xiao Qing, de l’Institut provincial du patrimoine culturel et archéologique du Sichuan, qui a personnellement expérimenté cette « technologie noire ». « Chaque surface fouillée de 10 cm2nécessite une analyse et une extraction d’échantillons de sol. Le pH et la teneur en humidité sont testés sur place pour évaluer dans un premier temps dans quel environnement se trouvent les objets », explique-t-il. Toute différence dans l’environnement pédologique peut avoir un impact substantiel pour la préservation des vestiges, obligeant les archéologues à adopter différentes méthodes pour les extraire et les préserver par la suite.

L’Université du Sichuan a mis sur pied une équipe d’archéologie scientifique pour apporter son aide, avec des experts dans la métallurgie, la faune et la flore, l’environnement, l’anthropologie physique, et la protection du patrimoine culturel.Si des restes osseux sont retrouvés, les experts en archéozoologie et en anthropologie physique se rendent sur place pour procéder à une analyse et une identification. Cette démarche permet de fournir une référence très importante pour les phases suivantes et d’ajuster les fouilles et les détails du travail à tout moment.

Le 16 mars 2021, après plusieurs mois de fouilles,les artefacts de la fosse n°3 ont été complètement exposés, et la numérisation et la modélisation en trois dimensions ont commencé. Chaque strate avait une abondance étonnante de pièces en bronze et en ivoire. Ce qui a encore plus étonné Xu Feihong, c’est l’apport des hautes technologies et la collaboration multidisciplinaire. Lui qui avait participé à de nombreuses découvertes archéologiques importantes sur le site du temple Zhougong à Qishan (Shaanxi),du temple Xiangshan de la dynastie des Tang aux grottes de Longmen à Luoyang (Henan), et dans les tombes de nobles de Tubo à Dulan (Qinghai)reconnaît que cette fois-ci, les chercheurs sont « à la pointe de l’archéologie chinoise ».

Un travail toujours en cours

Tous les archéologues ont travaillé d’arrache-pied pour percer les secrets de l’ancien royaume de Shu.

Masque en bronze d'un animal mythique

Du 13 janvier au 15 mars, Li Sifan, fraîchement employée par l’Institut provincial du patrimoine culturel et archéologique du Sichuan, est restée sur le chantier. « Hormis les congés de la fête du Printemps, j’ai été très occupée tous les jours. Jusqu’à présent, je n’ai pas eu le temps d’aller au Musée de Sanxingdui. » Elle n’a obtenu son master de l’Université des sciences et technologies de Beijing qu’en janvier de cette année, aidant principalement dans les fouilles des fosses n°5,n°6 et n°7. Cette fois-ci, elle a effectué une mission de collecte et d’enregistrement. Le travail de numérisation de la fosse n°3 l’obligeait parfois rester jusque tard dans la nuit.

Cette jeune femme a connu les conditions de travail difficile dans un hangar et les difficultés du métier. « Je me souviens qu’il y avait beaucoup d’ivoire brisé dans la fosse n°5, qui ne pouvait être nettoyé qu’avec des tiges de bambou très fines et des pinceaux. Comme on ne pouvait pas mettre les pieds sur le sol, les archéologues n’avaient d’autre choix que de s’agenouiller sur des échafaudages. Au bout de 40 minutes, le bas du dos était endolori. »

« Le voile de mystère qui entoure l’ancien royaume de Shu est progressivement levé. Son épaisseur culturelle s’enrichit progressivement, et on commence à apercevoir son arrière-plan historique.Nous sommes à la fois des témoins et des protagonistes », remarque Xu Danyang.

Avant l’extraction de l’ivoire, Xu Danyang se rendait sur place tous les jours, « Il fallait principalement vérifier la température et l’humidité. Si la température était trop élevée ou si l’humidité n’était pas suffisante, il fallait rapidement agir. »

Xiao Qing, en charge de la préservation du patrimoine, travaillait auparavant surtout en laboratoire.Cette fois-ci, il a fallu procéder simultanément aux fouilles et à la préservation. Il a donc été nécessaire de transporter tous les équipements du centre-ville sur le site des fouilles.

« En tant qu’archéologue, on a le sentiment que le temps ne suffit pas, que l’on cela ne s’arrêtera jamais », déplore Ran Honglin, responsable des fouilles des sites de sacrifice à Sanxingdui. La quête des archéologues est simple : découvrir autant de matériaux de l’ancien royaume de Shu que possible pour les générations futures. « C’est aussi une sorte de transmission de la civilisation chinoise. »