Les relations franco-chinoises au service de la paix et du développement

2020-10-12 09:16DAVIDGOSSET
今日中国·法文版 2020年10期

DAVID GOSSET *

La période que le monde traverse actuellement est marquée par un fort niveau d'incertitude en lien avec une pandémie menaçante, une crise économique majeure et des tensions entre les États-Unis et la Chine, dont tout indique qu'elles vont perdurer, quels que soient les résultats de l'élection américaine de novembre.

Dans ces conditions, la réaffirmation de la solidité des liens entre la France et la Chine apparaît comme un facteur essentiel de stabilité pour les grands équilibres du monde.

Alors que le retour de la Chine à une position de centralité dans la vie internationale s'accélère, la France doit se tenir à distance de ceux qui, ivres d'une sinophobie aveugle, adoptent des positions qui correspondent à une tentative d'endiguer un cinquième de la population mondiale. Ayant à l'esprit le futur de la planète et de l'humanité tout entière, il apparaît comme une évidence que contenir la renaissance chinoise n'est ni possible, ni même souhaitable.

Le 20 décembre 2019, à Paris, les intervenants au Forum « la Ceinture et la Route » participent aux débats.

La France peut inspirer les États-Unis

En 1964, Charles de Gaulle fut le premier en Occident à reconnaître la République populaire de Chine de Mao Zedong. Henri Kissinger et Richard Nixon ne firent que suivre la voie ouverte par l'homme d'État français alors que les États-Unis faisaient face à l'Union soviétique mais aussi à la guerre du Vietnam.

Dans les années 1990, Jacques Chirac a, quant à lui, su élever la relation franco-chinoise à un niveau stratégique.

Dans la continuité de ces deux visions, il ne s'agit plus seulement pour la France de reconnaître un pays ni d'en extraire tout le potentiel dans une perspective bilatérale, mais bien de prendre en compte tout ce que la puissance chinoise découlant de la renaissance d'une ancienne civilisation peut apporter au monde.

Les États-Unis ont reconnu une Chine qui leur permettait d'affaiblir leur grand rival stratégique, l'Union soviétique. C'est, qu'on ne s'y trompe pas, l'instrumentalisation de la Chine rendue possible par une asymétrie de puissance qui était au cœur de l'approche kissingérienne. Au moment où l'écart de puissance se resserre entre Washington et Beijing, cette stratégie est évidemment obsolète.

La France doit faire la démonstration qu'à côté de l'approche kissingérienne, et que, par contraste avec une posture qui nous ramènerait à une nouvelle guerre froide, il y a une troisième voie possible.

Dans la soirée du 27 janvier 2020, un spectacle de bianlian (« visages changeants de l'opéra du Sichuan ») est organisé lors de la réception de la fête du Printemps à l'Hôtel de Lassay à Paris.

Il s'agit, au 21esiècle, d'entrer en synergie avec la puissance chinoise pour elle-même autant qu'elle continue à démontrer qu'elle est en partie la solution aux grands problèmes économiques, environnementaux et géopolitiques de notre temps.

Si elle réussit, la France inspirera une nouvelle fois les États-Unis, qui sauront retrouver le chemin d'un internationalisme raisonné.

La réaffirmation de la solidité des liens entre la France et la Chine apparaît comme un facteur essentiel de stabilité pour les grands équilibres du monde.

Six axes principaux

La théorie étant exposée, il s'agit maintenant de la mettre en pratique autour de six axes principaux : les relations sino-européennes, la gouvernance mondiale, l'environnement, le grand arc afro-eurasiatique, les relations économiques et la culture.

Il s'agit tout d'abord de consolider les relations entre le continent européen et la Chine. Paris et Beijing en auront l'occasion lors des prochains sommets sino-européens préparés par la présidence allemande.

Depuis l'élection de Donald Trump, la Chine estde factodevenue le principal soutien externe à l'intégration européenne. Paris et Beijing doivent stimuler les relations entre l'Union européenne et la Chine afin que leurs interactions puissent continuer à peser dans un monde dont le centre de gravité s'est rapidement déplacé vers le Pacifique.

Dans le monde de l'après-Brexit, la France et la Chine se trouvent être les deux seuls membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies représentant l'Union européenne et l'Asie. Les synergies entre Paris et Beijing ont donc un rôle particulier à jouer sur les sujets qui affectent la sécurité du monde.

Deuxièmement, une articulation politique intelligente entre ce que l'ancien ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a justement appelé la puissance d'influence de la France et la centralité croissante de la Chine doit contribuer au progrès de la gouvernance mondiale.

Le 5 septembre 2020, le premier train de fret Chine-Europe X8020/19 au départ de Hefei (Anhui) en direction de Dourges (France) part de la base logistique de la gare de Hefei-Nord.

On attend des diplomaties française et chinoise qu'elles poussent pour des réformes indispensables de l'Organisation mondiale du commerce mais aussi des institutions héritées de Bretton Woods. On ne le dira jamais assez, la meilleure façon de protéger le multilatéralisme, c'est de le réformer.

Troisièmement, sur les questions liées à l'environnement, la France et la Chine, architectes, avec d'autres, du succès de la COP21 en 2015, doivent veiller à ce que l'Accord de Parissoit mis en œuvre en dépit de l'attitude rétrograde de l'actuelle administration américaine. Les deux pays doivent signaler au monde que la reprise économique qui doit être orchestrée après le choc du COVID-19 est une occasion de mettre l'écologie au centre des sociétés contemporaines.

Quatrièmement, l'action franco-chinoise peut aussi suivre la perspective ouverte par l'initiative chinoise, « la Ceinture et la Route ». Cette vision pour de nouvelles Routes de la soie tient compte des réalités eurasiatiques, mais elle implique aussi le continent africain. Grâce à ses liens historiques avec l'Afrique, la France est idéalement placée pour co-construire un arc afro-eurasiatique de prospérité et de paix.

De ce point de vue, et alors que de multiples crises fragilisent dangereusement le Mali, la France et la Chine devraient prendre une initiative forte et constructive concernant un pays clef pour toute la région du Sahel.

Une approche aussi ambitieuse introduirait également une nouvelle dynamique bien nécessaire dans les relations économiques franco-chinoises. C'est le cinquième axe de l'action stratégique franco-chinoise.

Le dialogue des civilisations constitue un sujet majeur et la culture doit jouer un rôle de premier plan dans les relations francochinoises.

Une stratégie et des objectifs concrets

Les relations économiques entre la France et la Chine sont certainement importantes, mais il existe encore un espace considérable pour développer le commerce et les investissements entre les deux pays, la Chine n'étant que le sixième partenaire commercial de la France. Il est, par ailleurs, impératif de stopper la tendance à la baisse des investissements chinois en France - baisse vertigineuse en 2019 - par une série d'actions visant le monde de l'après-COVID.

Enfin, au moment où le dialogue des civilisations constitue un sujet majeur, la culture doit jouer un rôle de premier plan dans les relations franco-chinoises. Dans ce chapitre culturel, les deux pays devraient contribuer à enrichir la discussion autour des nouvelles technologies et de leur impact pour l'humanité.

Un dialogue franco-chinois structuré sur les implications politiques, sociétales et culturelles de l'intelligence artificielle pourrait être le noyau d'une conversation plus large sur ce qui constitue l'entrée dans une ère nouvelle dont la discussion ne doit pas être le monopole des entreprises privées qui la génèrent.

L'appréciation mutuelle ancienne entre les deux pays, ce que d'aucuns ont justement qualifié d'affinité entre les deux cultures, la dynamique communauté chinoise en France mais aussi l'entrepreneuriale et créative communauté française en Chine constituent les fondations uniques et profondes des relations franco-chinoises.

Les transformations rapides du monde ne diminuent pas nécessairement leur importance, mais afin qu'elles demeurent mutuellement bénéfiques et, au-delà, significatives sur le plan global, elles exigent, à Paris et à Beijing, la juste appréciation de leur potentiel et une entente stratégique sur les objectifs concrets à atteindre.