NICOLAS CHAPuIS*
Le 12 mai 1975, le premier ministre français Jacques Chirac accueille le vice-premier ministre chinois Deng Xiaoping à l'aéroport.
Il y a 45 ans, le 6 mai 1975 à Beijing, Christopher Soames, vice-président de la Commission européenne en charge des relations extérieures, et Qiao Guanhua, ministre des Affaires étrangères de la République populaire de Chine, formalisaient l'établissement des relations diplomatiques. La veille, le premier ministre Zhou Enlai avait tenu, en dépit de son hospitalisation, à recevoir M. Soames.
La reconnaissance par la Chine de la construction européenne répondait à son souci de « contrer le désir d'hégémonie des superpuissances » en s'appuyant tant sur la volonté d'autonomie et d'unité des Européens, que sur la qualité de la relation entre la CEE et les pays en voie de développement (les accords de Lomé venaient d'être signés en février 1975). Du côté européen, outre l'intérêt personnel de Soames pour la Chine, il s'agissait de tirer parti de la réintégration de la Chine aux Nations Unies (1971) et du processus de normalisation des relations sino-américaines (1972-1979) pour établir avec Beijing des rapports officiels comme la Communauté l'avait fait avec l'Inde dès 1962.
Ce mois de mai 1975 devait également entrer dans l'histoire partagée de l'Europe et de la Chine par la visite en France (12-17 mai) de Deng Xiaoping, alors vice-premier ministre. Ce déplacement historique, le premier en Occident d'un dirigeant chinois, annonçait le développement de relations tous azimuts entre l'Europe et la Chine.
Quarante-cinq ans après, la relation entre l'Union européenne et la Chine est devenue un pilier du système international.
Le premier accord commercial liant la CEE à la Chine fut signé en 1978, et la première visite d'un président de la Commission (Roy Jenkins) eut lieu l'année suivante. La coopération euro-chinoise mit l'accent d'emblée sur l'assistance technique et l'aide au développement, notamment dans le domaine agricole, éducatif et scientifique.
La délégation de la Commission européenne ouvrit à Beijing en 1988, sous la direction du Français Pierre Duchâteau (1921-2009).
Les années 1990 sont marquées par l'importance croissante du dialogue politique du fait de la chute du mur de Berlin (1989), de la création de l'UE (1992) et du processus d'élargissement en Europe (à partir de 1994). La Commission publie sa première communication sur la Chine en 1995, évoquant une « politique à long terme », ouvrant la voie à un dialogue sur les droits de l'homme et à la tenue du 1erSommet UE-Chine à Londres en avril 1998. Ce processus politique appuie la négociation de l'entrée de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce (2001).
Le 19 mai 2000 à Beijing, la délégation chinoise et la délégation de l'uE sont finalement parvenues à un accord bilatéral sur l'adhésion de la Chine à l'OMC. Le négociateur chinois Shi Guangsheng et le négociateur européen Pascal Lamy se félicitent après la signiature.
La décennie qui suit est celle de la maturité, avec la création des trois piliers de la relation UE-Chine : dialogue économique et commercial (2008), dialogue stratégique (2010, à la suite de la création du poste de haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et du Service d'action extérieure de l'UE) et dialogue culturel (2012), aboutissant à l'adoption au sommet de 2013 à Beijing de l'Agenda stratégique de coopération 2020, et à la première visite d'un chef d'État chinois à Bruxelles en 27 ans, en 2014, le président Xi Jinping qualifiant alors la Chine de « partenaire majeur de l'UE ».
Lors de la célébration du 40eanniversaire de leurs relations diplomatiques en mai 2015, les deux parties posèrent les fondements de leur engagement à venir pour faire face aux défis globaux : négociation d'un accord sur l'investissement, coopération au sein de l'OMC, promotion de la connectivité et de la mobilité, et surtout lutte contre le changement climatique, avec un accord au plus haut niveau pour faire adopter l'Accord de Paris(COP21, décembre 2015).
Le 18 mars 2019, le conseiller d'État et ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a coprésidé le 9e cycle de dialogue stratégique de haut niveau Chine-uE avec la haute représentante de l'uE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Federica Mogherini. La photo les montre lors d'une rencontre avec les journalistes après la réunion.
En avril 2019, le 21eSommet UE-Chine, à Bruxelles, se conclut sur une déclaration conjointe ambitieuse en soutien au multilatéralisme, à la transition écologique et aux équilibres des échanges dans une relation économique devenue critique pour l'économie internationale : l'UE et la Chine échangent alors plus de 1,5 milliard d'euros de biens et de services par jour.
Ce qui précède révèle, au-delà de la succession des événements, une remarquable continuité de l'engagement européen en Chine, qui porte le sceau du partenariat face aux enjeux globaux. Jamais plus qu'aujourd'hui, confrontés à une crise sanitaire mondiale sans précédent depuis un siècle, nous pouvons apprécier les bénéfices de cette relation, tant pour elle-même que pour le reste du monde.
L'UE promeut avec la Chine un système multilatéral outillé pour réguler la mondialisation en établissant des règles de droit pour les échanges matériels et immatériels. À l'heure de la double révolution énergétique et numérique, l'entente entre l'UE et la Chine est aussi nécessaire qu'impérative pour apporter prospérité, équilibre, soutenabilité et sécurité à nos citoyens.
Contrairement à ce qui est parfois rapporté, l'unité européenne, en chantier depuis 1957, demeure la boussole de nos 27 États membres, car seule l'Union permet aux nations européennes de peser dans les affaires du monde. De même, la croissance remarquable de l'économie chinoise au cours des 45 dernières années impose de rechercher de nouveaux équilibres dans un paysage géopolitique en profonde transformation.
La pandémie de COVID-19 depuis janvier 2020 met à l'épreuve l'ensemble du système international et requiert une réponse globale, tant au niveau bilatéral qu'en multilatéral. L'UE et la Chine doivent renforcer leur partenariat pour surmonter cette crise et apporter aux membres les plus vulnérables de la communauté internationale le soutien dont ils ont besoin.
*NICOLAS CHAPuIS est ambassadeur de l'uE en Chine depuis septembre 2018.