« Je suis le témoin du formidable développement de la Chine »

2019-11-19 01:31JEANPIERRERAFFARIN
今日中国·法文版 2019年11期

JEAN-PIERRE RAFFARIN*

En 2020 je vais fêter mes 50 ans de Chine depuis mon premier voyage en 1970. Je suis le témoin du formidable développement de la Chine. J'ai vu la Chine globalement sortir de la pauvreté. J'ai vu les voitures remplacer les vélos, j'ai vu les tours remplacer des taudis, j'ai vu les couleurs des vêtements remplacer le gris des uniformes. J'ai vu la Chine devenir fière d'elle-même.

Je reste prudent sur mes analyses de ces cinquante ans, j'ai juste compris que la Chine était complexe et souvent paradoxale aux yeux des Occidentaux.

Le plus impressionnant de ce retour de la Chine aux premiers rangs des nations du monde, c'est la vitesse d'exécution. D'un voyage à l'autre, il est difficile de reconnaître la Chine. Je suis marqué par les progrès faits en matière de logement. J'ai connu les temps difficiles où quatre ou cinq personnes, parfois plus, vivaient dans la même pièce. Maintenant le confort moderne a pénétré la Chine profonde. On ressent dans la rue chinoise un changement humain majeur : la population et notamment les jeunes, semble avoir confiance dans l'avenir.

Le développement de la Chine présente deux gros avantages pour le monde. D'une part les centaines de millions de Chinois qui sont sortis de la pauvreté viennent grossir les effectifs de la classe moyenne mondiale. La lutte contre la pauvreté reste une priorité mondiale. D'autre part le retour de la Chine sur la scène mondiale est un puissant facteur d'équilibre pour la coopération internationale. La réussite de l'Exposition internationale d'importation de Chine à Shanghai est pour l'avenir un signal très positif.

Beaucoup d'Occidentaux pensaient que la politique de réforme et d'ouverture conduirait la Chine à évoluer comme les Républiques de l'Ouest. Mais la Chine suit son propre chemin. Ces derniers se sont trompés. Xi Jinping a été très clair : « le socialisme aux caractéristiques chinoises » gouverne et gouvernera la Chine. Pour moi, l'essentiel de ces « caractéristiques » est le leadership du Parti. Il est évident pour les observateurs attentifs que le PCC est la colonne vertébrale de la RPC.

De nombreux défis restent cependant à relever en Chine comme dans tous les pays du monde. La question de l'environnement est une priorité car elle concerne l'économie mais surtout la santé de la population. La Chine joue un rôle mondial dans cette bataille contre la pollution depuis qu'elle s'est engagée pour l'Accord de Paris relatif au changement climatique. La révolution digitale est aussi un défi important. Cela va changer l'économie et la société. Il va falloir veiller à ce que cette nouvelle économie favorise la création d'emplois pour tous. Ce n'est pas simple. Cela va aussi changer la société où tout individu sera en connexion avec la collectivité, ce qui posera des questions concernant les libertés et la sécurité. Le sujet est complexe.

Le 29 janvier 2019, un roadshow sur la 2e CIIE a lieu à Paris, en présence de l'ancien premier ministre français Jean-Pierre Raffarin (3e à dr. au 2e rang) et de la ministre près de l'ambassade de Chine en France Yu Jinsong (2e à dr. au 2e rang).

L'influence de la Chine dans le monde a considérablement progressé en 70 ans. Deuxième économie du monde, la Chine est présente partout dans le monde par ses productions mais elle est surtout présente par sa culture qui influence beaucoup de gens dans de nombreux pays. Par exemple en France le Nouvel An chinois est pratiquement devenu un événement d'ampleur nationale. L'influence de la Chine est particulièrement visible en Afrique où elle participe au développement du continent. Mais l'Amérique latine est aussi accueillante à l'influence chinoise. Même aux États-Unis les 2/3 des diplômés en sciences et technologies sont d'origine asiatique. Dans les grandes institutions internationales la Chine a accédé à des postes à hautes responsabilités à l'ONU, à l'UNESCO, au FMI, à la FAO, etc. et son influence au sein du multilatéralisme mondial est grandissante.

Le 16 décembre 2018 à Beijing, Jean-Pierre Raffarin (5e à g.) assiste à la 1re Réunion du Comité consultatif du Forum de « la Ceinture et la Route » pour la coopération internationale.

La diplomatie chinoise me paraît inspirée par une conviction très enracinée dans la culture chinoise : « La coopération vaut mieux que les tensions », j'ai souvent entendu le président Xi prononcer cette phrase. Les deux pôles de cette diplomatie me semblent être l'initiative « la Ceinture et la Route » et le combat pour le multilatéralisme.

L'initiative « la Ceinture et la Route » est un grand projet international de coopération dans une période où nous connaissons un déficit de projets. Dans la situation mondiale troublée notamment par un retour de l'unilatéralisme, la Chine participe à la mobilisation pour un renouveau du multilatéralisme. La France s'inscrit aussi dans ce nécessaire travail diplomatique. La rencontre à Paris, à l'Élysée en mars dernier, entre le président Xi Jinping et les leaders européens E. Macron, A. Merkel et J.-C. Juncker a été une avancée très importante dans cette bonne direction.

Il est très difficile de prévoir la clé du développement chinois pour les trente années à venir, puisque personne dans le passé n'avait prévu un tel développement de la Chine. Ayons la franchise de dire que le monde a été surpris par la performance chinoise. Personnellement j'ai une relation de confiance avec le peuple chinois, je le comprends bien et mon lien est très affectif. Je pense que le peuple chinois est le premier atout de la Chine. Quand on est à la fois intelligent et travailleur, on a quand même toutes les chances de son côté. Pour cette raison je pense que l'innovation est la clé de l'avenir en Chine. Le levier de l'avenir est « l'intelligence ajoutée », dans ce match pour demain, la jeunesse chinoise me paraît bien armée.

Je ne doute pas que la Chine aura atteint ses objectifs en 2049. L'essentiel pour moi est que les grandes nations veillent à ce que leurs objectifs nationaux soient compatibles avec ceux de la planète. Comme le disent les dirigeants chinois, « dans ce monde, on ne peut réussir seul ». Pour cela deux priorités me semblent incontournables, d'une part la survie de la planète face au changement climatique et d'autre part la recherche de la paix entre les nations. La Chine a su se mobiliser pour les questions environnementales et assume son histoire de pays pacifique. Ce sera très utile pour l'avenir. Toutes les formes de guerre sont mauvaises qu'elles soient militaires ou commerciales.

Dans ce monde d'interdépendance, nous devons élargir nos pensées au-delà de toute forme de nationalisme pour assumer notre destin commun. Pour tout cela, la Chine restera utile au monde.