Sortir de la pauvreté grâce au poivre chinois

SHEN XIAONING＊

A vec ses saveurs épicées, la cuisine du Sichuan est saluée par des centaines de millions de Chinois et d’étrangers. Cette saveur unique est produite grâce notamment au poivre chinois, épice transformée à partir des baies récoltées chaque année en plein été.

Des poivriers chinois du bourg de Zhanpu, dans le district de Fengdu,sur la rive sud du Yangtsé

À la mi-juin 2019, nous nous sommes rendus dans le bourg de Zhanpu du district de Fengdu, situé sur la rive sud du Yangtsé. Là, nous avons vu la montagne pleine de poivriers chinois, dont les baies étaient assez mûres pour être récoltées. Ce sont ces « perles vertes » qui ont aidé les paysans à sortir de la pauvreté et qui ont tissé des liens étroits entre les cadres locaux et les habitants.

La « renaissance » de Zhang Jisheng

Guidés par des cadres locaux, nous sommes allés à la maison de Zhang Jisheng, située en pleine montagne dans la communauté de Baishui. Quand nous sommes entrés, il coupait les branches pour récolter les baies de poivre chinois avec son fils. Dès qu'il nous a vus, il a tout de suite interrompu le travail et nous a accueillis avec enthousiasme. Avec un visage aussi souriant, personne n’aurait pu imaginer l’amertume de sa famille pauvre, mais après avoir écouté les vicissitudes de sa vie, nous avons éprouvé une empathie sincère pour cet homme qui avait traversé tant de souffrances.

Zhang Jisheng, âgé de 53 ans, est le pilier de sa famille, car son épouse est incapable de travailler à cause d’une maladie mentale. Pire encore, en 2015,sa mère décéda et son fils fut, lui aussi, atteint par une maladie mentale. Cette série d’épreuves le mena au bord de l’effondrement total.

Heureusement, dans cette situation désespérée,Zhang Jisheng a rencontré Zhang Yuqun, chargée de diriger la lutte contre la pauvreté dans la communauté de Baishui. Âgée de 48 ans, elle est un cadre du gouvernement du bourg de Zhanpu. En 2014, alors que la lutte contre la pauvreté est engagée dans sa phase clé à l’échelle du pays, elle a été nommée chef du groupe de travail résidant dans la communauté de Baishui. Elle a ainsi conduit quatre membres du groupe pour visiter plus de 900 foyers dans la communauté pendant une année afin de connaître leurs conditions de vie. Lors des visites, elle a découvert la situation tragique de la famille de Zhang Jisheng.« J’ai été fortement choquée de voir la situation de sa famille. Il n’y avait presque rien dans sa maison complètement délabrée et soumise à toutes les intempéries. De plus, avec deux handicapés mentaux,on pouvait dire que son foyer était le plus démuni de la communauté », se souvient-elle. Elle a immédiatement rapporté ce cas à Ran Hailong, secrétaire de la Cellule du Parti communiste chinois (PCC) de la communauté de Baishui, afin d'aider au plus vite Zhang Jisheng.

De son côté, Ran Hailong a rapidement demandé de verser les minima sociaux pour la famille de Zhang Jisheng, ce qui a permis à chaque membre d’obtenir une allocation de 180 yuans par mois. La somme n’était pas importante, mais elle a déjà allégé les charges de Zhang Jisheng.

En 2016, après avoir demandé une terre dans la communauté, Ran Hailong a également mobilisé des ressources humaines et financières pour y construire une nouvelle maison, en l’espace d’un mois, pour la famille de Zhang Jisheng. En outre, Zhang Yuqun et les autres collègues de son équipe ont acheté des meubles et des articles d’usage courant pour eux et les ont transportés à la nouvelle maison. « Le jour du déménagement, Zhang Jisheng a été très ému. Peu bavard, il répétait sans cesse “Le PCC est très bon !” »,raconte Zhang Yuqun, au bord des larmes.

Ensuite, Ran Hailong a aidé Zhang Jisheng à planter des poivriers chinois, sur une superficie de 1,5 mu (un mu = 1/15 ha), avec une bonne rentabilité économique. Il lui a également trouvé un emploi pour balayer des rues avec un salaire mensuel de 1 700 yuans. Enfin, Ran Hailong a demandé une allocation pour sa femme et son fils, au titre de personne lourdement handicapées, à hauteur de 200 yuans par mois pour chacun. L’année dernière, les minima sociaux ont été augmentés à 350 yuans par personne et par mois, et le revenu annuel de la famille de Zhang Jisheng a dépassé 38 000 yuans, soit dix fois plus qu’auparavant.

Pour montrer les nouvelles conditions de sa vie, il a sorti une boîte de porc gelé du frigo et expliqué avec un sourire : « Maintenant, nous pouvons manger de la viande à tous les repas, mais pour des raisons de santé, je dois en manger moins. »

En janvier 2019, avec l’aide du groupe de Zhang Yuqun, Zhang Jisheng a réussi à demander un prêt bonifié de 30 000 yuans pour agrandir ses cultures des poivriers chinois. « Depuis 2015, le gouvernement du district de Fengdu a établi une coopération avec des banques pour accorder des micro-crédits avec une bonification d'intérêts aux familles pauvres dans le district pour les aider à développer leurs activités. Depuis quatre ans, le bourg de Zhanpu a attribué des prêts pour un total de 6,06 millions de yuans, confie Xiang Hailin, chef du bourg de Zhanpu âgé de 39 ans. Il faut que les habitants qui ont reçu le prêt le remboursent, le gouvernement et les banques prennent en charge le paiement des intérêts. De plus, les cadres doivent apprendre personnellement les méthodes pour obtenir un prêt aux habitants qui en ont besoin et les inciter ensuite à utiliser cet argent de façon raisonnable. »

Zhang Jisheng a utilisé les 30 000 yuans pour acheter des engrais, des produits phytosanitaires et pour embaucher de la main-d’œuvre, ce qui a permis le bon déroulement de la plantation des poivriers chinois. Il s’est ensuite promis de rembourser l’intégralité du prêt la même année pour que le gouvernement ait le moins d’intérêts à payer.

« Pour le moment, la famille de Zhang Jisheng est pratiquement sortie de la pauvreté. Ce résultat est dû non seulement aux bonnes politiques du Parti et de l’État en matière de lutte contre la pauvreté, mais aussi aux efforts de Zhang Jisheng », affirme Xiang Hailin. À ce sujet, Zhang Jisheng a éprouvé une vive émotion : « Je n’aurais jamais imaginé vivre un jour la vie que je mène actuellement, même en rêve. Le PCC est très bon ! Je n’ai aucun lien de parenté avec ses cadres, mais ils m’ont traité comme si j’étais un membre de leur famille ! Il me faut désormais chérir et bien mener ma vie, quelle que soient les difficultés que je vais rencontrer, sinon, je serais indigne de leur bienveillance. »

La plantation des poivriers chinois qui fait partie du projet d'aide au développement du bourg de Zhanpu.

Des villages prospères dans une belle nature

« Le bourg de Zhanpu a décidé en 2014 la plantation des poivriers chinois comme le moyen de lutter contre la pauvreté et, dès l’année suivante, la plantation avait commencé à se développer. Aujourd’hui,les surfaces cultivées des poivriers chinois atteignent 11 128 mu. L’année dernière, la valeur de la production s’est élevée à plus de 70 millions de yuans. Cette industrie a aidé 155 familles des 261 familles pauvres dans le bourg à éliminer la pauvreté. Les faits ont prouvé que la culture des poivriers chinois correspondait au concept de développement vert proposé par le secrétaire général Xi Jinping, soulignant que les rivières limpides et les montagnes verdoyantes constituent une grande richesse. En effet, les poivriers chinois ont non seulement protégé l’environnement autour du réservoir des Trois Gorges, mais ils ont aussi aidé les habitants locaux à sortir de la pauvreté et à s’enrichir », fait savoir Xiang Hailin,nommé chef du bourg de Zhanpu il y a seulement trois mois mais parfaitement au courant des progrès locaux de la lutte contre la pauvreté.

Zhang Jisheng coupe des baies de poivre chinois chez lui.

Actuellement, il existe 36 foyers pauvres à Zhanpu,soit 71 personnes vivant dans la pauvreté. D’après Xiang Hailin, ces personnes ont perdu leur capacité de travail à cause de maladies, leur vie peut donc être assurée par les minima sociaux qui les aideront à sortir de la pauvreté. « Nous avons confiance dans le fait que l’objectif de faire sortir l’ensemble du bourg de la pauvreté sera atteint en 2020 », déclare-t-il.

Pourtant, selon lui, des paysans locaux craignent l’annulation des politiques d’octroi d’avantages aux régions rurales à la suite de l’élimination complète de la pauvreté. À ce sujet, il a expliqué qu’une fois la bataille décisive contre la pauvreté achevée, le gouvernement central mettrait en œuvre ces politiques préférentielles à long terme et continuerait à appliquer la stratégie de redressement des campagnes, dans le but de porter le développement rural à un nouveau palier. « Puisque certaines personnes ne comprennent pas les politiques, nous prenons des actes concrets pour rendre leur vie meilleure »,ajoute-t-il.

En plus de la lutte contre la pauvreté, Xiang Hailin a un autre projet à long terme. Au début de son entrée en fonction, il avait eu l’idée de créer les villages des « quatre beautés » de Zhanpu, à savoir la beauté des maisons propres, la beauté des objets bien rangés avec ordre, la beauté des cours décorées avec des plantes et la beauté des comportements avec l’adoption de bonnes habitudes. En mai 2019,le gouvernement du bourg a offert à chaque foyer dix jeunes pousses de rose de Chine pour encourager à planter des fleurs dans les récipients usés qui traînaient çà et là et pour décorer leur cour. « Nous souhaitons créer une atmosphère qui embellit l’environnement et encourager les bonnes habitudes »,souligne Xiang Hailin.

Xiang Hailin, Zhang Yuqun et Ran Hailong ont déclaré, lors des entretiens, que leurs actions n’étaient pas sensationnelles, mais nous croyons que leurs contributions apporteront bientôt de grands changements au bourg de Zhanpu.