par Li Jing
Alors que de plus en plus de Chinois veulent mettre à proflt leur temps fragmenté, on observe un développement rapide de l’industrie de la « connaissance payante »
Les utilisateurs d’applications mobiles de « savoir payant »,comme MintReading,sont de plus en plus nombreux en Chine.
292 millions
Nombre estimé de Chinois prêts à payer pour du savoir en 2018
Depuis qu’elle est revenue en Chine il y a trois ans, une idée ne cesse de tracasser Liang Rui. Après être rentrée du Royaume-Uni, où elle a obtenu son diplôme de l’Université de Huddersfleld, la jeune femme de 26 ans s’inquiète de voir ses facultés d’anglais fondre comme neige au soleil. Ayant trouvé un emploi dans sa ville natale de Taiyuan, capitale du Shanxi (nord), son emploi du temps est si chargé qu’elle n’a plus le temps d’étudier régulièrement.
Or, c’est sur son portable qu’elle a trouvé une solution à son problème.Après avoir découvert l’application de lecture mobile MintReading,Liang Rui commence chaque journée par quelques minutes de lecture en anglais, tout en prenant son petit-déjeuner. L’œuvre qui occupe maintenant son attention, intitulée How to Stop Worrying and Start Living (Comment cesser de s’inquiéter et commencer à vivre), reflète exactement sa nouvelle approche de développement personnel.
« L’application me donne une tâche de lecture d’environ 10 minutes par jour et me pose quelques questions afln de vérifler si j’ai vraiment compris ce que j’ai lu. C’est pratique et efficace », dit Liang à CHINAFRIQUE. Elle a payé 139 yuans (22 dollars) pour un programme de lecture de 100 jours et est contente de ses progrès. « Cela me permet de tirer proflt de mon temps fragmenté. Pour le moment,j’ai déjà flni deux œuvres originales en anglais sans même le savoir »,ajoute-t-elle.
Liang fait partie de ces Chinois qui, soucieux de s’améliorer dans une société de plus en plus compétitive, considèrent qu’il ne faut jamais cesser d’étudier. Or, leur travail quotidien fait obstacle à cette volonté d’enrichissement individuel. Ces derniers se tournent donc vers la technologie et ont recours à divers cours en ligne, participant à la montée de l’industrie du « savoir payant ».
Selon un rapport publié par ii-Media Research, une flrme-conseil spécialisée dans le domaine de l’internet, l’essence de cette industrie émergente est d’exploiter le potentiel commercial du savoir et de le transformer en produits ou services rentables. Cette industrie a généré un chiffre d’affaires de 4,91 milliards de yuans (772 millions de dollars) en 2016, soit trois fois plus que l’année précédente. En 2020, la valeur du marché devrait atteindre 23,5 milliards de yuans(3,7 milliards de dollars), toujours selon le rapport.
772 millions de dollars
Revenu généré par l’industrie chinoise du « savoir payant »en 2016
3,7 milliards de dollars
Valeur estimée de l’industrie chinoise du « savoir payant »en 2020
L’année 2016 est considérée comme une étape décisive pour l’industrie du savoir payant. Le site Zhihu,l’équivalent chinois de Quora, les applications d’apprentissage mobile comme iGet et la plateforme de partage audio Ximalaya FM ont tous vu une augmentation importante de leurs abonnés et de leurs produits.
Yang Fan, analyste chez iiMedia Research, attribue cette explosion au développement du paiement en ligne et des technologies numériques. « Cela permet d’acheter et de donner instantanément des conseils via les appareils mobiles, et d’attirer les fournisseurs de contenu pour partager leurs connaissances », a-t-il dit.
Tian Yimiao fait partie de ceux qui bénéflcient de ce partage des connaissances. En tant que professeur adjoint au Conservatoire de musique de Shanghai, Yimiao se passionne pour la musique classique et espère diffuser ce genre auprès d’un public plus large. Ximalaya FM l’aide à réaliser son rêve.À la fln du mois de mai, ses cours quotidiens avaient accumulé plus de 13,45 millions de vues. Les amateurs de musique classique déboursent 199 yuans (31,2 dollars) chaque année pour avoir accès à ses cours d’environ 10 minutes chaque jour.Cette somme permet de compenser Yimiao pour le temps qu’elle met à la préparation des cours, soit près de 3 heures pour chaque épisode.Jusqu’à présent, ses cours ont rapporté environ 10 millions de yuans(1,57 million de dollars).
Alors que de plus en plus d’abonnés sont prêts à payer pour avoir accès à ce genre de connaissances,des professeurs, des écrivains, des entrepreneurs et des experts de tous les secteurs ont rejoint la vague.Selon iiMedia Research, le nombre de personnes prêtes à payer pour ce genre de produits et services sur les applications mobiles devrait atteindre 292 millions en 2018,soit plus de 20 % de la population chinoise. Et la tendance ne montre aucun signe de ralentissement.
Avec le développement rapide de l’internet, il est facile de se perdre dans une marée d’informations partielles et de connaissances fragmentaires. Selon les experts, ces nouvelles applications d’apprentissage mobile restructurent ces contenus et les systématisent afln d’aider les abonnés à construire un système de connaissance relativement complet dans une courte période. « Nous offrons des solutions pour étancher la soif des gens pour toujours plus de connaissances », dit Wu Qing,fondateur de Keting App, qui offre des cours sur le commerce.
Ces plateformes correspondent aussi au style de vie rapide des populations urbaines, qui souhaitent maximiser l’utilisation de leur temps libre. « Ce souhait peut être considéré comme une opportunité commerciale, sur la base de laquelle des produits et services adaptés sont offerts », explique Wu.
En dehors des cours structurés,les utilisateurs peuvent aussi acheter des réponses à des questions spéciflques sur ces plateformes.AskAboutAfrica, le premier site de questions et réponses consacré à l’Afrique en Chine, rassemble plusieurs hommes d’affaires et experts dans le domaine. En payant une somme donnée, les utilisateurs peuvent obtenir des réponses rapides à leurs questions. Hui Honglin,fondateur du site, a déclaré que la plateforme avait pour but d’aider les petites et moyennes entreprises à prendre pied en Afrique.
Or, tous ne sont pas ravis de voir la popularité de ces plateformes.Certains pensent qu’elles encouragent une compétition malsaine,alimentée entre autres par le succès exorbitant de certaines flgures publiques. À titre d’exemple, rappelons que Hu Weiwei, 36 ans,a encaissé 1,5 milliard de yuans(238 millions de dollars) après avoir fondé la compagnie Mobike, l’une des applications de vélo-partage en Chine. C’est un fort contraste avec la majorité des gens de son âge qui doivent encore faire des pieds et des mains pour un salaire mensuel inférieur à 10 000 yuans(1 568 dollars).
Han Han, un jeune écrivain et réalisateur, a critiqué le sentiment d’anxiété que ce genre de comparaisons tend à susciter. « Le succès ne sera jamais synonyme de richesse ou de puissance. Nous devrions être les maitres de notre propre mode de vie », écrit-il.
D’autres disent que les programmes de savoir payant ne répondent à leurs attentes concrètes.« J’ai beaucoup appris pendant les cours, mais par la suite, ça n’a eu aucun impact réel sur ma croissance »,dit Wang Mingfeng, qui a déboursé environ 5 000 yuans (787,9 dollars)sur ce genre d’applications.
« Les plateformes devraient être responsables du flltrage des contenus pour assurer la qualité de service et maintenir l’ordre sur le marché », suggère Chen Liteng,un analyste des tendances du commerce électronique. Il ajoute que les consommateurs devraient également se demander s’ils ont vraiment besoin de ces services avant de les acheter. CA