ZHANG TIANYU*
«Je n’aime pas les grands immeubles à Beijing, parce que je les trouve froids.J’ai l’impression qu’ils me tiennent à distance. En revanche, quand j’entre dans une vieille maison dans les hutong, je peux ressentir la vie. Comme si les vieilles pierres souhaitaient me dire quelque chose. » Le sentiment exprimé par Paulina, une Italienne qui travaille en Chine, est probablement partagé par de nombreux étrangers à Beijing. Mais en réalité, si les étrangers sont très sensibles au charme des hutong de Beijing, les Chinois semblent eux aussi de plus en plus attachés à ces vieux quartiers nichés au cœur de la ville moderne.
Les hutong sont comme un Eldorado dans la ville moderne et bruyante. Dès que nous entrons dans ces anciens quartiers,l’impression de calme est saisissante. Les hutong semblent imperméables au vacarme de la foule et des véhicules et offrent un havre de paix et de relaxation. Plongés dans ce silence, nous pouvons entendre le murmure régulier et imperceptible des élèves qui font la lecture dans les écoles des hutong. Au fond d’une ruelle, nous pouvons apercevoir la grande porte rouge d’une maison traditionnelle à cour carrée,qui affiche silencieusement son ancienne gloire. Les bicyclettes et les piétons défilent devant la maison, comme sur une ancienne photo. Dans ces quartiers, la journée commence en douceur : des personnes âgées, habillées de vêtements de coton, s’assoient à l’intérieur des portes pour bavarder et profiter du soleil, accompagnées du gazouillement des loriots et des luscinias svecicas. Nous avançons encore d’une dizaine de pas et les bruits de la ville se dissipent tout à fait. Les cours,protégées du tumulte extérieur, résistent au passage du temps et préservent le mode de vie traditionnel des Pékinois. Les hutong et les cours carrées constituent l’âme de la ville de Beijing et lui donnent toute sa perspective.
La fête de la danse en habits d’époque a reçu un accueil chaleureux des résidents de la communauté de la cour nº 27.
Il existe un vieux proverbe pékinois :« Il y a 3 600 grands hutong à Beijing et les hutong inconnus sont innombrables. » Il est donc pratiquement impossible de connaître le nombre de hutong à Beijing. Selon le livre Beijing d’hier et d’aujourd’hui, publié par les éditions chinoises Zhanwang en 1982, la ville de Beijing comptait plus de 4 550 hutong.Selon le livre Guide des rues à Beijing,publié par Beijing Yanshan Press en 1986,les quatre arrondissements du centre-ville de Beijing comprenaient 3 665 hutong.
Les grands et petits hutong s’enchevêtrent à Beijing et abritent de nombreuses familles qui profitent d’une vie paisible,c’est la raison fondamentale pour laquelle les Pékinois ont un attachement particulier pour les hutong. Dans la ville moderne de Beijing, les gens préfèrent le calme des hutong et des cours carrées aux gratte-ciel et aux larges avenues. On dit parfois que la culture de Beijing est « la culture des hutong » ou « la culture des cours carrées ».
La rue Neiwubu (ministère des Affaires intérieures) se trouve dans un quartier organisé en cours carrées, où la culture des hutong est profondément ancrée. Le quartier, dont l’architecture date de la dynastie des Yuan (1271-1368), est l’un des principaux quartiers historiques et culturels de Beijing et revêt par conséquent une valeur particulière.
La rue Neiwubu est le cadre d’un projet culturel : le projet « Quartier artistique »,qui consiste à promouvoir la culture populaire, à répondre aux demandes culturelles des personnes âgées et des enfants, à stimuler la curiosité des habitants du quartier et à encourager les jeunes à participer activement à la vie culturelle. Niu Ruixue,récemment rentrée de l’étranger, est très attachée à ce projet.
Elle est l’une des fondatrices du Centre de vie et de culture du quartier de Chaoyangmen. Il y a quelques années,après avoir été diplômée en théâtre, en industrie créative et en échanges interculturels en France, elle est rentrée à Beijing avec le désir de donner le meilleur d’ellemême. Elle a travaillé en tant que rédactrice du programme de CCTV « Feichang 6+1 » et a participé à la création du Festival artistique « One » de Beijing. Elle aurait aimé devenir journaliste culturelle, mais contre toutes attentes, elle s’est finalement installée en 2016 dans une cour carrée au cœur d’un hutong pour travailler en tant que volontaire culturelle du quartier.
Niu Ruixue
Le Centre de vie et de culture du quartier de Chaoyangmen est divisé en 10 espaces à thèmes.
Li Zhe et Niu Ruixue se sont rencontrés lors d’un festival artistique. Li Zhe se rappelle qu’à l’époque, avec son discours sur l’établissement d’un nouveau type de culture de quartier, la formation des consciences publiques, et le renouveau des relations entre voisins, Niu Ruixue lui a fait une forte impression. Invitée par les représentants du quartier, Niu Ruixue a alors choisi la cour nº 27 dans la rue Neiwubu comme lieu de travail.
Cette cour s’étend sur 500 m2et est divisée en dix espaces qui ont des thèmes différents. Par exemple, l’espace « Lecture », l’espace « Goût » dédié à la gastronomie, et l’espace « Jeux » pour les enfants.Cela donne à cette cour traditionnelle une dimension internationale et apporte des changements positifs : les gens sont de plus en plus nombreux à fréquenter ces lieux dédiés aux activités culturelles et les habitants du quartier ont une vie culturelle de plus en plus riche.
Niu Ruixue aime nommer son Centre de vie et de culture « La cour nº 27 ». 80 % des membres de son équipe sont des aspirantschercheurs et 60 % sont des personnes qui ont vécu à l’étranger. Ces experts de haut niveau ont tous choisi de venir travailler dans la cour nº 27. Mais pourquoi ? Niu Ruixue explique : « Nous ne sommes pas rentrés de l’étranger uniquement pour trouver un emploi. Nous souhaitons gagner notre vie mais nous avons également un sens des responsabilités et voulons assumer des responsabilités sociales. »
Pourtant, au début, Niu Ruixue et son équipe ont rencontré de nombreux obstacles. Quand ils ont lancé leurs activités,ils se sont heurtés au manque d’intérêt des habitants du quartier et en ont nourri une profonde déception. Pour résoudre ce problème, ils ont consulté le Comité des résidents et ont rencontré les habitants pour connaître leurs demandes. Ils ont également proposé aux personnes intéressées de visiter la cour nº 27 pour leur présenter le lieu et les activités. Petit à petit, de plus en plus d’habitants ont souhaité visiter la cour et certains sont devenus de vrais habitués.
M. Jin, la soixantaine, guichetier de cinéma à la retraite, se passionne pour la peinture. Il a donc participé à un cours de peinture organisé par la cour nº 27. À la suite de cette expérience, il a offert à Niu Ruixue un carnet de dessins. Lorsqu’elle a ouvert le carnet, toute l’équipe a été très étonnée du talent de M. Jin. Niu Ruixue a ensuite réalisé un reportage spécial sur M. Jin qu’elle a publié sur le compte WeChat de la cour nº 27. Chaque jour, le cercle d’amis de M. Jin s’agrandit, il partage avec eux sa passion pour la peinture.Il enseigne désormais la peinture et est très connu dans le quartier. Les habitants le surnomment « le Papi des chats ».
Dans la cour n° 27, nombreux sont ceux qui, comme M. Jin, viennent partager leur passion. C’est le cas de Mme Zong, qui aime le jardinage et la culture des fruits,de M. Li qui cultive un jardin secret, de Mme Yang, qui se passionne pour la mode et le vernis à ongles, d’un monsieur aux cheveux longs qui aime la musique, et de M. Wang qui aime photographier les hutong et les voitures originales. Entre mode et tradition, la cour nº 27 est un lieu d’inspiration où l’on trouve toujours une épaule amicale.
En l’espace d’un an, la cour nº 27 a déjà organisé 300 activités et accueilli des dizaines de milliers de personnes.Niu Ruixue semble s’être parfaitement intégrée à la vie dans les hutong. Elle rend service aux habitants du quartier et fait dé sormais partie des leurs.