HU YUE, membre de la rédaction
Du 24 avril au 24 juin 2018, le XIIIefestival Croisements présente 68 programmes culturels français dans 30 villes chinoises. Très populaire en Chine, ce festival attire un très large public.
Robert Lacombe, conseiller de coopération et d’action culturelle et directeur de l’Institut français de Chine, a accepté de répondre aux questions de La Chine au présent. En tant qu’organisateur du festival Croisements, il est très fier du succès de ce festival et affirme :« En favorisant les collaborations artistiques entre des institutions et des artistes des deux pays, le festival a atteint son but. Nous avons beaucoup de programmes qui témoignent de la fécondité de ces échanges. »
Le festival Croisements a été créé suite au succès rencontré par les Années croisées Chine-France 2006.
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Depuis 13 ans, Croisements a beaucoup évolué, de même que les relations entre les peuples chinois et français. Selon M. Lacombe, en Chine, cette évolution a été très rapide et importante. « Il y a eu une évolution dans les goûts et les exigences artistiques du public. C’està-dire que le public chinois souhaite aujourd’hui qu’on lui propose des programmes variés et de qualité. » Il ajoute : « L’évolution ne se re flète pas seulement dans la meilleure compréhension entre les Chinois et les Français mais aussi dans la meilleure qualité des échanges artistiques et culturels. »
En 2018, le festival met à l’honneur deux thèmes :le centenaire de la mort de Claude Debussy et le cinquantième anniversaire des événements de Mai 68 en France. Pour M. Lacombe, Mai 68 marque pour la France l’entrée dans un nouveau monde ; c’est un événement qui a permis de libérer les énergies créatrices et d’expérimenter de nouvelles formes de création.
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Parmi les 68 programmes culturels présentés cette année, il y en a trois que M. Lacombe recommande particulièrement aux spectateurs chinois et français.Le premier est l’exposition du prix Marcel Duchamp au Musée d’art de l’université de Tsinghua, très représentative de ce qu’est l’art contemporain aujourd’hui en France et de sa diversité. Parmi les lauréats exposés, il y a un Chinois, Wang Du.
Le deuxième événement que M. Lacombe recommande vivement est la recréation du spectacle Le sacre du printemps, donné à Paris en 1913 et dont la chorégraphie avait été réalisée par Nijinski. Avec l’Orchestre Les Siècles qui interprète la musique de Stravinsky, la chorégraphe Dominique Brun redonne vie à ce ballet de la modernité.
Le troisième événement est lié à Mai 68. C’est la présence de Romain Goupil, militant de Mai 68, qui a réalisé le film Mourir à trente ans, dans lequel le réalisateur raconte la vie très brève d’un de ses amis militants.Dans son film, l’histoire personnelle est intimement liée à l’histoire française de cette époque.
Parallèlement au festival Croisements, le Centre culturel de Chine à Paris organise chaque année en France des activités autour de la Chine. Selon M. Lacombe, la rencontre entre les artistes et les peuples des deux pays leur permet d’arpenter ensemble les chemins de la création.
Il affirme que la culture chinoise est populaire en France. C’est la raison pour laquelle, cette année, les metteurs en scène Michel Didym et Yi Liming ont travaillé ensemble pour créer une pièce de théâtre tirée du roman La véritable histoire d’Ah Q. M. Lacombe explique : « Lu Xun, l’auteur de ce roman, est un auteur très lu en France, comme beaucoup d’autres auteurs chinois. » Selon lui, la France est le pays qui traduit le plus d’auteurs chinois au monde. « Ce roman est très populaire en France, avec son héros fantasque, original et drôle. Et je pense que cette mise en scène est une très grande réussite. »
Mais il estime qu’il y a un déséquilibre dans la diffusion des arts chinois en France. Il nous con fie : « Je pense que la Chine est assez bien représentée dans le domaine des arts visuels. Beaucoup d’artistes chinois habitent et créent en France, et d’autres artistes qui habitent en Chine sont très présents dans les musées français. Le cinéma chinois est aussi très populaire en France. Par exemple, Jia Zhangke vient de présenter un film au festival de Cannes. En musique, il y a beaucoup d’interprètes chinois qui rencontrent du succès en France et qui sont très appréciés par le public français. »Mais il ajoute : « Je pense que le théâtre, et encore plus la danse, sont des domaines sous-représentés. »
Selon M. Lacombe, pour résoudre ce déséquilibre,il faut inviter des artistes français, metteurs en scène ou chorégraphes par exemple, à collaborer avec des ensembles chinois dans le domaine du spectacle vivant.Il explique : « Nous avons une excellente relation avec de nombreuses compagnies et de nombreux ensembles chinois, mais il serait bon de les faire venir en France et de donner ainsi une meilleure visibilité au spectacle vivant chinois. Si vous demandez à un chorégraphe de créer un spectacle de danse en Chine avec un ballet chinois, il souhaitera que le spectacle soit présenté en France, ce qui, selon moi, favorisera la diffusion de la culture chinoise en France. »
Selon M. Lacombe, « la culture fait partie de l’économie. Le box-of fice du cinéma français en Chine était de 80 millions de dollars en 2017. Ce chiffre représente plus que les ventes de bœuf français en Chine. » Il donne également l’exemple de la mise en place d’une collaboration avancée entre le Centre Pompidou et le West Bend investment group sur l’économie de la culture.
Selon M. Lacombe, la Chine et la France, attachant toutes deux une importance particulière à l’histoire, au patrimoine et à la culture en tant que traits essentiels de l’identité humaine, en ont fait une dimension essentielle de leurs échanges politiques. Il affirme : « Nous avons encore beaucoup à faire pour que cette dimension imprègne l’ensemble de nos échanges. En fait,le président Macron a montré l’exemple lors de son dernier déplacement en Chine en choisissant de donner son discours au palais Daming à Xi’an. » Lors de sa visite en Chine en janvier 2018, le président français a expliqué qu’il souhaitait se montrer proche des artistes et du monde de la culture a fin de souligner la place cruciale que ceux-ci revêtent dans l’action diplomatique française en Chine.