Défendre la frontière

2017-12-14 11:57
中国与非洲(法文版) 2017年12期

Défendre la frontière

Une communauté de travailleurs de la santé œuvre à réduire l’épidémie de VIH dans les régions reculées d’Afrique par Hou Weili

Un hôpital de Johannesburg,en Afrique du Sud.

LIU Jie se souvient encore des défis qu’elle arencontrés dans Ia Iutte contre I’épidémie de sida Iors de son passage en tant que bénévoIe au Nigéria. Ironiquement, ce n’est pas Ie manque de médicaments ou de financement qui a été Ie pIus grand obstacIe, mais Ia difficuIté à Iivrer efficacement Ies médicaments et Ies services de soin.

« Nous devons savoir qui vit avec Ie VIH avant de pouvoir Ieur offrir des services médicaux. C’est Ia première étape », a décIaré Liu à CHINAFRIQUE. Financée par Ie Soutien à Ia santé et au déveIoppement de I’éducation, une organisation non gouvernementaIe IocaIe(ONG), Liu est arrivée dans un viIIage ruraI de Ia banIieue de Kaduna, au Nigéria en 2011, et s’est consacrée au bien-être des femmes et des enfants atteints par Ie VIH. MaIgré Ie taux éIevé d’infection dans Ia région, Ies gens étaient réticents à se procurer des tests gratuits, à recevoir des médicaments ou à utiIiser des préservatifs en raison de Ia stigmatisation et de Ia discrimination à I’égard des personnes vivant avec Ie VIH.

IncapabIe de fournir une prestation efficace, Liu s’est retrouvée dans une situation difficiIe. Pour contourner Ie probIème, eIIe a donc appeIé sa mère, médecin éga-Iement, qui Iui a parIé des « médecins aux pieds nus ».

Une couverture médicale totale est impossible sans la construction de systèmes de santé communautaires.

Hailemariam Desalegn, Premier ministre éthiopien

PopuIaire dans Ies années 1960 et 1970, Iorsque Ia Chine ruraIe était dans une misère extrême, ces travaiIIeurs de Ia santé ont sauvé des vies dans des zones où iI n’y avait aucune structure de soins. Maîtrisant certaines compétences médicaIes de base et famiIiers des popuIations IocaIes, Ies « médecins aux pieds nus » pouvaient guérir Ies maIadies ordinaires et accoucher Ies femmes. Bien que non professionneIs, iIs étaient aimés et respectés. Bien sûr, Ieur travaiI n’était pas stabIe et peu payé. En dehors de Ieurs services en tant que « médecins », iIs étaient aussi agricuIteurs et étaient si pauvres que beaucoup d’entre eux n’avaient pas de chaussures. D’où Ieur surnom.

« De même, iI y avait beaucoup de jeunes dipIômés sans empIoi qui restaient dans Ia communauté IocaIe.Pourquoi ne pourraient-iIs pas y jouer un rôIe pIus actif ? », questionne Liu, qui travaiIIe actueIIement pour Ie programme des Nations unies sur Ie VIH (ONUSIDA)en Chine.

Inspirée par Ies « médecins aux pieds nus », eIIe a donc choisi 20 jeunes ayant un parcours médicaI ou socioIogique et Ieur a donné une formation de base sur Ia façon de tester Ie VIH et de sensibiIiser sur Ia prévention de Ia maIadie. IIs sont ensuite devenus des travaiIIeurs médicaux communautaires dans un voisinage famiIier et ont effectué des programmes de prévention et de traitement avec Liu.

Former des travaiIIeurs de Ia santé dans Ies communautés IocaIes est I’épine dorsaIe de Ia Iutte contre I’épidémie de sida en Afrique, une Ieçon que Liu a tirée de son expérience bénévoIe. Désormais, iI est admis entre Ies pays africains, Ies organisations mondiaIes et Ia Chine que Ies efforts doivent être menés conjointement pour prévenir et contrôIer Ia maIadie.

Amélioration des services

Pour mettre fin à I’épidémie de sida en 2030, I’ONUSIDA a fixé un objectif ambitieux de 90-90-90 (voir infographie) en 2020, qui prévoit de systématiser Ies tests de dépistage afin que 90 % des personnes séropositives soient au courant de Ieur infection,que 90 % des personnes diagnostiquées aient accès aux antirétroviraux (ART) et que 90 % des personnes traitées puissent descendre à niveaux indétectabIes de VIH dans Ie sang.

Les statistiques d’ONUSIDA ont montré que gIoba-Iement, 60 % de toutes Ies personnes vivant avec Ie VIH connaissaient Ieur état, 46 % des personnes vivant avec Ie VIH suivaient un traitement et 38 % avaient atteint des niveaux indétectabIes du VIH en 2015. En comparaison, I’Afrique de I’Ouest et I’Afrique centraIe stagnaient, atteignant seuIement 36 %, 28 % et 12 %respectivement.

« L’une des raisons est que Ies services de santé qui Iuttent contre Ie VIH ne parviennent pas à atteindre Ies zones ruraIes, Iaissant Ies popuIations porteuses sans surveiIIance et brisant Ia continuité du traitement »,expIique Liu.

Mais Ies changements sont sur Ia bonne voie. Au cours du 29e Sommet de I’Union africaine à Addis-Abeba, en Éthiopie, en juiIIet dernier, Ies chefs d’État africains ont approuvé une initiative visant à recruter,former et dépIoyer 2 miIIions de travaiIIeurs de Ia santé communautaire à travers Ie continent en 2020.

Défendue par AIpha Condé, Ie Président guinéen et actueI Président de I’Union africaine, I’initiative vise à faire face aux pénuries de main-d’œuvre dans Ie secteur de Ia santé en I’Afrique et à améIiorer I’accès aux services de santé pour Ies popuIations Ies pIus marginaIisées.

L’expérience de Ia Chine et des pays africains a démontré que Ies agents de santé communautaires bien formés et correctement supervisés fournissent une exceIIente quaIité de soins et améIiorent I’efficacité et I’impact des dépenses de santé. « Vivant dans Ies communautés qu’iIs servent, ces travaiIIeurs sont entièrement dédiés à Ia réaIisation des résuItats. IIs aident à concevoir Ies stratégies Ies pIus efficaces pour Ie dépistage et Ie traitement du VIH », a décIaré MicheI Sidibe, directeur exécutif de I’ONUSIDA.

Contrairement aux étabIissements de santé traditionneIs, qui sont souvent trop éIoignés des popuIations, Ies travaiIIeurs de Ia santé communautaire officient directement auprès des individus et des coIIectivités.

Des rendements socioéconomiques plus larges

« Ce travaiI est une question de survie et de déveIoppement en Éthiopie », a décIaré Ie Premier ministre éthiopien HaiIemariam DesaIegn. « Une couverture médicaIe totaIe est impossibIe sans Ia construction de systèmes de santé communautaires. »

L’ONUSIDA estime qu’iI y a aujourd’hui pIus d’un miIIion d’agents de santé communautaire en Afrique.Au cours des deux prochaines années, un autre miIIion devrait être recruté pour atteindre I’objectif de

Des kits de dépistage individuels en vente dans des distributeurs à l’Université du Pétrole du Sud-Ouest, à Chengdu.Des kits tels que ceuxci sont disponibles dans de nombreuses universités chinoises,pour éveiller les consciences parmi les jeunes.

couverture. Et bien qu’iIs sembIent être Ia cIé pour atteindre Ia cibIe des 90-90-90, Ies avantages s’étendent bien au-deIà de Ia Iutte contre Ie sida.

« CeIa permettra égaIement d’accéIérer nos progrès dans I’accompIissement des objectifs de déveIoppement durabIe fixés par I’ONU, de créer de nouveaux empIois qui renforceront Ies économies IocaIes et nationaIes, et offriront de nouveIIes possibiIités aux jeunes de prospéré », a encore ajouté Sidibe.

SeIon I’ONUSIDA, Ie recrutement de ces deux miIIions de travaiIIeurs de Ia santé en Afrique représenterait 14 % de tous Ies nouveaux empIois rémunérés créés au niveau régionaI entre 2005 et 2010.

PIus qu’un bon travaiI, iI s’agit aussi d ’une occasion pour Ies jeunes taIents de redonner à Ieur communauté IocaIe, transformant « I’expIosion démographique » en véritabIe « dividende démographique », pour assurer Ia stabiIité sociaIe et accéIérer Ia réaIisation des transformations envisagées dans I’Agenda 2063 de I’UA.

« Des popuIations en meiIIeure santé sont aussi pIus productives. En améIiorant nos résuItats en matière sanitaire, et en augmentant Ia productivité des coIIectivités maI desservies, I’investissement dans Ies travaiIIeurs de Ia santé communautaire peut générer des rendements économiques indirects massifs »,concIut finaIement Liu.

L’expérience de la Chine

La coopération dans Ie secteur médicaI, en particuIier Ia formation du personneI, a été I’un des points saiIIants du Forum sur Ia Coopération sino-africaine. Lors du sommet de Johannesburg en 2015, Ia Chine s’est engagée à aider I’Afrique à renforcer Ia prévention et Ie traitement des maIadies infectieuses en Afrique, et à former des médecins, des infirmières, des agents de santé pubIique et du personneI administratif.

Lee Njagi, un fonctionnaire du ministère de Ia Santé du Kenya, en Chine pour un programme de formation sur Ia gestion du VIH, expIique que « I’éIément majeur pour Ie pays a été Ia recherche et Ies moyens novateurs de gérer Ies groupes à risque. » CA

Pour vos commentaires : houweiIi@chinafrica.cn