Petite cabine, grande tendance

2017-08-07 07:55essordescabinesdekaraokapportedansunformatnouveauundivertissementclassiqueauxjeunesrationsparHouWeili
中国与非洲(法文版) 2017年5期

L’essor des cabines de karaoké apporte dans un format nouveau, un divertissement classique aux jeunes générations par Hou Weili

Économie

Petite cabine, grande tendance

L’essor des cabines de karaoké apporte dans un format nouveau, un divertissement classique aux jeunes générations par Hou Weili

UNE après-midi, alors qu’elle se promène

tranquillement avec une amie dans son centre commercial favori à Beijing, quelque chose capte l’attention de Wang Wen, 25 ans : une rangée de cabines en verre ressemblant à des cabines téléphoniques. Après examen, elle se rend compte qu’il s’agit de karaokés. L’occasion est trop belle de s’amuser et de se prendre pour une pop star le temps de quelques chansons !

Après avoir fait la queue pendant près de 30 minutes, Wang Wen et son amie parviennent finalement à entrer dans l’une des cabines. À l’intérieur, deux écrans, deux chaises hautes, deux casques et deux microphones. L’espace est étroit, mais confortable avec ses deux mètres carrés… juste assez pour faire tenir deux amatrices de karaoké !

Après avoir scanné avec son smartphone le code QR à l’écran, Wang Wen se connecte au système et achète un forfait de quinze minutes de chansons. Puis, les chanteuses amatrices entament leur performance, chantant de la même façon que dans un karaoké classique, plus connu sous le nom de KTV [prononcez « kètivi »] en Chine.

« C’est très amusant et je n’ai pas besoin d’inviter plusieurs amis, ni de réserver à l’avance une salle dans un KTV. Je peux juste m’amuser en chantant de façon spontanée, même si je n’ai que dix minutes de temps libre », raconte Wang Wen àCHINAFRIQUE.

Depuis 2016, ces cabines de KTV ont poussé comme des champignons en Chine, avec plus de 10 000 appareils installés dans les centres commerciaux au cours des six derniers mois. D’après Luo Anwu, le fondateur de M-Bar (l’une des marques les plus prolifiques de cabines de KTV en Chine), les cabines en verre de sa marque sont déjà apparues dans 135 villes de Chine, à travers 29 provinces, municipalités et régions autonomes.

En permettant aux amateurs de karaoké d’enregistrer et de partager leurs performances sur leur smartphone, ces mini-KTV visent principalement les générations nées après les années 80 et 90, dont le temps libre est fragmenté, et pour qui le partage sur les réseaux sociaux est devenu un véritable mode de vie.

Une option plus flexible

Pour Wei Pengju, le directeur de l’Institut de recherche en culture créative de l’Université centrale de finance et d’économie de Beijing, cette expérience récréative émergente est le signe d’une nouvelle tendance, dans laquelle les jeunes préfèrent consommer des produits divertissants et culturels de façon plus flexible : « C’est le résultat de l’intégration des magasins physiques avec Internet. »

« Les cabines de KTV sont un vrai produit de l’internet, car elles introduisent leurs caractéristiques de partage et de divertissement aux KTV traditionnels. Par l’intermédiaire de son système de contrôle intelligent, les clients peuvent ajuster l’éclairage, le système de lecture, l’air conditionné et la connexion Wi-Fi à l’intérieur de la cabine, leur permettant ainsi d’avoir un contrôle absolu sur leur expérience », explique Luo Anwu.

De tels systèmes intelligents signifient aussi que le personnel n’est plus nécessaire. Selon Kuang Shi, un analyste senior sur les entreprises de communication numérique chez BOC lnternational (une filiale en propre de la Banque de Chine), le prix de ces cabines de KTV se situe entre 16 000 et 28 000 yuans (2 000 à 4 000 dollars), auxquels s’ajoute la location mensuelle d’un emplacement dans les centres commerciaux pour 900 à 2 000 yuans (130 à 300 dollars). Par ailleurs, le coût mensuel d’entretien de l’équipement est relativement faible et avoisine les 100 yuans (14 dollars), ajoute Luo Anwu.

Le coût pour les utilisateurs est également plus flexible que dans les karaokés traditionnels. Les clients peuvent choisir de payer environ 20 yuans (3 dollars) pour quinze minutes ou trois chansons. Selon Wei Pengju, ces cabines sont également un excellent média, ce qui implique que des revenus supplémentaires peuvent s’ajouter grâce à la publicité.

D’après une étude du marché réalisée par Kuang Shi, le revenu journalier généré par une seule cabine peut actuellement atteindre les 400 yuans (60 dollars).

Secouer le marché

Le contraste avec le marché des karaokés traditionnels est saisissant, tant ce dernier est en berne depuis quelques années. Party World KTV, qui était autrefois le champion dans son secteur, a ainsi dû fermer trois de ses quatre établissements à Beijing début 2015. La même année, le groupe Wanda a annoncé la fermeture de l’ensemble de ses KTV.

Li Jiachao, un analyste de l’industrie culturelle, attribuele déclin des KTV à l’augmentation des coûts de location et du personnel, ainsi qu’à la diversification des options de divertissement apportées par Internet.

« Internet a porté un coup dur aux affaires des KTV. D’un côté, certains consommateurs préfèrent aux KTV traditionnels les applications de karaoké sur leur téléphone mobile. De l’autre, les nouvelles méthodes de promotion sur Internet, comme les achats groupés, intensifient la concurrence. Pour attirer les consommateurs et survivre, les KTV doivent constamment faire baisser leurs prix et sont désormais incapables de joindre les deux bouts », explique-t-il.

Néanmoins, Yang Hu, le fondateur de Tangchao KTV à Beijing, ne croit pas que les cabines de karaoké remplaceront les KTV traditionnels. Selon lui, « l’expérience proposée par les KTV est de faire la fête pour se sociabiliser et se divertir, [tandis que] les cabines de karaoké sont juste un endroit pour chanter ».

Cette opinion semble partagée par Wang Wen. Même si elle a apprécié le temps passé dans cette cabine de karaoké, elle continue à préférer les KTV traditionnels : « J’ai acheté le forfait à quinze minutes, mais le temps passe très vite ! Je n’ai même pas pu finir ma troisième chanson parce que j’ai passé trop de temps à en sélectionner une et les préludes instrumentaux comptent aussi », explique-t-elle, soulignant un coût un peu élevé.

Pour Yang Hu, les questions de gestion et de coûts relativement élevés pourraient entraver le développement du marché des cabines de KTV : « Alors que ce produit vise les consommateurs pressés ayant peu de temps libre, le fait de faire la queue pourrait décourager ces derniers [d’utiliser ces cabines]. Par ailleurs, comme aucun employé n’est disponible sur place, les consommateurs ne peuvent pas recevoir d’aide. »

Des clientes faisant la queue devant des mini-KTV.

Une niche tirée par Internet

Si les cabines de karaoké doivent encore convaincre les consommateurs et les professionnels du secteur, celles-ci ont été rapides à attirer des capitaux d’investissement.

Début 2017, M-Bar a reçu un investissement de 60 millions de yuans (8,7 millions de dollars) de la part d’Ubox, le plus grand fabricant de distributeurs automatiques de Chine. À la même période, Beijing Kuzhi Technology - le développeur de l’application mobile de karaoké la plus populaire de Chine - a annoncé un partenariat stratégique avec Aimyunion Technology, le fabricant des mini-cabines de karaoké Meda miniK.

Lei Hongzhen, professeur de commerce de l’École normale supérieure du Shaanxi, note que les cabines de karaoké répondent aux besoins d’un certain marché de niche et présentent donc des perspectives prometteuses : « Le succès ou non d’un modèle d’entreprise dépend des personnes [cibles] dont il satisfait la demande, et la façon dont il y répond. Clairement, les mini-cabines de karaoké répondent à la demande de divertissement des jeunes générations. »

Lu Zhenwang, un analyste du secteur numérique, pose cependant la question de la durabilité de ces cabines. Les KTV traditionnels génèrent leurs revenus par des sources multiples, notamment avec la consommation de boissons. Les cabines de karaoké dépendent quant à elles uniquement du prix d’utilisation. « En matière de cadre, les KTV traditionnels gagnent haut la main. Une fois l’excitation retombée, combien de clients les cabines de KTV garderont-elles ? », demande Lu Zhenwang.

En tant qu’activité émergente tirée par Internet, la seule façon pour que les cabines de KTV survivent et fleurissent passe par une innovation constante.

« Il est probable qu’avec la perte progressive de leur avantage en tant qu’option de divertissement chic et à la mode, celles-ci seront abandonnées par les consommateurs. Mais en tant que produit d’innovation, les cabines de karaoké peuvent trouver un avenir par l’innovation », estime Wei Pengju. CA

Pour vos commentaires : houweili@chinafrica.cn