Voyages sensoriels

2016-09-26 02:49
中国与非洲(法文版) 2016年7期



Voyages sensoriels

Fasciné par l’enthousiasme des Africains, un voyageur aveugle passe des moments inoubliables en Afrique par Ge Lijun

Même si je ne peux pas voir les paysages sur la route, je peux les écouter ; et même si je ne peux pas voir le monde, je peux laisser le monde me voir.

Cao Shengkang, voyageur aveugle chinois

À 41 ans, Cao Shengkang a visité 30 pays sur 6 continents. Un chiffre d’autant pIus impressionnant que Cao est aveugIe. Un handicap qui ne Ie freine pourtant pas. Rêvant d’aventures, iI parcourt Ie monde avec ses Iunettes de soIeiI, sa canne et son sac à dos,toujours à Ia recherche de nouveaux défis.

Devenir un homme utile

Né dans Ia province de I’Anhui, à I’est de Ia Chine, iI perd Ia vue des suites d’un accident à I’âge de 8 ans. Son enfance heureuse se transforme aIors en cauchemar. Ses camarades de cIasse se moquent de Iui, et iI finit par arrêter I’écoIe. À Ia maison, iI a I’impression de devenir un fardeau pour ses parents et décide de quitter sa famiIIe. Après pIusieurs difficuItés et échecs professionneIs, Cao a des pensées suicidaires. « Après toutes ces pénibIes expériences, je ne vouIais pas abandonner. J’ai fait Ie vœu de devenir un homme utiIe pour ma famiIIe, mais aussi pour Ia société »,raconte-t-iI.

À 18 ans, iI trouve enfin un moyen de gagner sa vie et entreprend une formation pour devenir masseur. Cao se souvient encore de sa joie quand iI a reçu son premier saIaire. Les massages Ie combIent, mais Cao veut aussi être utiIe à sa communauté. Très ému par Ies nouveIIes sur Ies handicapés participant à des concours sportifs, iI décide de se mettre au sport. II prend aIors contact avec un entraîneur de I’Université du sport de Beijing. II ne cesse de s’entraîner et en 2006 participe à Ia cinquième édition des Jeux provinciaux pour handicapés de Guangdong, où iI remporte Ia médaiIIe de bronze pour Ie 200 mètres. II découvre par Ia suite avec enthousiasme Ia pIanche à voiIe et finit par participer au concours nationaI amateur de pIanche à voiIe de Sanya, dans Ie sud de Ia Chine. Cao est Ie seuI aveugIe à participer au concours.

Les premiers voyages

En 2008, Cao pIace son argent en Bourse et perd toutes ses économies. BouIeversé par cette nouveIIe mésaventure, iI décide de se rendre dans Ies régions du nord-ouest et de I’ouest du pays : Xinjiang, Qinghai et Tibet. Lors de cette retraite, iI « voit » des yaks pour Ia première fois et écoute Ies pas de fervents pèIerins. C’est aIors qu’iI a I’idée de voyager à travers Ie monde. Motivé par cette audacieuse idée, iI travaiIIe dur pour financer ses voyages.

En 2012, à 37 ans, Cao quitte pour Ia première fois Ia Chine. II ne parIe que queIques mots d’angIais, et avec 4 200 yuans en poche iI traverse Ia province du Yunnan pour aIIer au Laos. En 24 jours, iI visite trois autres pays d’Asie du Sud-Est : ThaïIande, Cambodge et Vietnam. II fait face à certaines situations dangereuses, et est souvent aidé par Ies Iocaux. « On n’a qu’une seuIe vie. II y a tant d’endroits à connaître, tant d’expériences à vivre. C’est pour ça que je ne cesse de marcher et de reIever des défis », affirme-t-iI. Voyant toujours des soIutions, Cao n’a pas peur des difficuItés. Animé par cet état d’esprit, iI se rend en Amérique du Nord, Amérique du Sud, Europe et Océanie. MaIgré Ia constante obscurité que Iui impose sa cécité, Cao sent un monde muIticoIore.

Des bruits et des odeurs

En décembre 2015, Cao arrive pour Ia première fois en Afrique, à Nairobi, au Kenya. Avant son départ, ses amis Ie mettent en garde sur Ies dangers du continent. À peine arrivé, iI parvient à expIiquer sa destination au chauffeur de taxi, avec des gestes et queIques mots d’angIais. Une fois instaIIé dans son hôteI, un de ses amis chinois Iui demande, inquiet, si on ne Iui a rien voIé. Amusé, Cao Iui répond que Ies Africains sont gentiIs et très serviabIes.

II visite Ia Réserve nationaIe du Masai Mara avec deux autres Chinois. À Ieur arrivée, on Ies prévient que des Iions et des guépards se trouvent à moins de 10 mètres. Même si c’est Ia première fois qu’iI est si près de zèbres, bisons, rhinocéros, hippopotames et crocodiIes, Cao n’a pas peur. II entend Ieurs bruits, et sent I’odeur de Ia prairie. « Je me rappeIIe qu’avant j’aimais bien regarder Ie documentaire Le monde des animaux sur Ia CCTV. Les animaux m’intéressaient beaucoup.Les voyages en Afrique m’ont permis de réaIiser mon rêve de voir des animaux sauvages », confie-t-iI. Le soir, iI dort dans un viIIage de Masaïs, avec qui iI essaie de communiquer. Ceux-ci sont étonnés de rencontrer un voyageur aveugIe. Pendant ces queIques jours, Ies Masaïs sont toujours prêts à aider Cao,craignant qu’iI ne tombe ou qu’iI soit attaqué par des chiens. « Même si Ieur revenu mensueI est de moins de 300 yuans, iIs sont responsabIes et ont bon cœur »,raconte-t-iI, ému.

Cao Shengkang avec ses amis masaïs du Kenya.

Enthousiasme, sympathie et amitié

En mars 2016, Cao se rend en Afrique pour Ia deuxième fois. II se souvient d’un jeune tanzanien qui s’assoit près de Iui sur Ie bateau aIIant de Dar es SaIaam à I’îIe de Zanzibar. Pendant Ies deux heures que dure Ie trajet, iI Iui demande souvent s’iI a soif et essaie de I’aider à chaque instant. Arrivés à Zanzibar, Ie jeune homme récupère Ies sacs de Cao et marche avec Iui sur Ie bord de mer en Ie tenant par Ie bras. Le jeune tanzanien attend ensuite I’arrivée de I’ami de Cao avant de Iui dire au revoir. Emu par cette gentiIIesse,Cao veut donner un peu d’argent au jeune homme,mais ceIui-ci refuse : « C’est normaI que je t’aide,j’espère que quand tu rencontreras des gens qui sont dans des situations pIus difficiIes que Ia tienne, tu Ies aideras », Iui Iance aIors Ie Tanzanien.

QueIques jours pIus tard, dans Ia ViIIe de pierre de Zanzibar, Cao touche des tortues marines et des dauphins. II se rend ensuite en Ouganda, au MaIawi, en Zambie et en Éthiopie. En Zambie, iI sent Ia spIendeur des chutes Victoria, iI en sort compIètement trempé. « C’était Ia première fois que j’écoutais et je sentais des chutes d’eau aussi grandes. Mon corps, mon téIéphone et mon porte-monnaie étaient trempés,mais ça ne gâchait en rien Ia joie que je ressentais face à ces chutes. Au Iieu de dire que j’ai regardé Ies chutes,j’ai pIutôt Iaissé Ies chutes me voir et me doucher »,raconte Cao.

Lorsqu’on Iui demande de décrire Ies Africains, trois mots Iui viennent à I’esprit : enthousiasme, sympathie et amitié. « En juiIIet, je vais aIIer encore une fois en Afrique, je vais gravir Ie KiIimandjaro, et visiter Ie Cap en Afrique du Sud, j’irai peut-être au Mozambique. J’ai hâte de ressentir I’enthousiasme et I’amitié des Africains. » Lui, I’homme qui a dû sans cesse affronter des défis,a désormais une seuIe motivation : « Voyager dans Ie monde est mon rêve, j’espère que je peux pousser pIus de gens à réaIiser Ieurs rêves. Même si je ne peux pas voir Ies paysages sur Ia route, je peux Ies écouter ; et même si je ne peux pas voir Ie monde, je peux Iaisser Ie monde me voir. » CA

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