De l’analogique au numérique

2016-09-12 03:18
中国与非洲(法文版) 2016年2期



De l’analogique au numérique

La Chine accompagne le Cameroun à l’heure du numérique par Francois Essomba

LE Cameroun, à l’instar des autres pays de la planète, passe progressivement à la télévision numérique terrestre (TNT). À cet effet, une convention commerciale a été signée entre le Cameroun et Startimes, une entreprise chinoise, pour la réhabilitation technique de la Cameroon Radio and Television (CRTV), la chaîne audiovisuelle camerounaise. Un basculement de grande ampleur qui va coûter environ 220 millions de dollars américains. lssa Tchiroma Bakary, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement camerounais, a expliqué à CHINAFRIQUE les points essentiels de cette grande mutation technologique dans le paysage audiovisuel camerounais. Son témoignage permet de mieux comprendre les mobiles de cette migration de l’analogique vers le numérique au Cameroun.

CHINAFRIQUE : Monsieur le ministre, vous avez signé un contrat commercial avec une entreprise chinoise pour la réhabilitation technique de la CRTV, opérateur public de l’audiovisuel au Cameroun. Pouvez-vous revenir sur ce contrat ? Et qu’est-ce qui a motivé le choix des Chinois ? lssa Tchiroma Bakary : Le contrat signé avec l’entreprise chinoise dont vous parlez porte effectivement sur la réhabilitation, c’est-à-dire la mise à niveau technique de l’outil de production et de l’infrastructure de diffusion de la CRTV. Les installations techniques de la CRTV datent de plus 30 ans. Elles sont donc pour la plupart frappées d’obsolescence. C’est pourquoi le gouvernement, propriétaire de la CRTV, a mis à l’étude depuis 2006 leur réhabilitation, qui devait en outre tenir compte des mutations technologiques de l’heure. Ces études étant réalisées, il fallait trouver un partenaire à même de réaliser le projet aux coûts les plus compétitifs. Nous nous sommes donc tournés vers la Chine, qui présentait les meilleures dispositions à cet effet. Deux entreprises chinoises ont été mises en compétition et c’est à la fois la moins-disante et la mieux-offrante qui a été retenue. Le chef de l’État, son excellence Paul Biya a donc instruit le Premier ministre, chef du gouvernement, d’attribuer le marché à l’entreprise Startimes au montant de 110 milliards de francs CFA. Outre les capacités techniques de cette entreprise, il faut noter que le choix d’un partenaire chinois ouvrait la possibilité de disposer d’un financement auprès d’une banque publique chinoise, avec un taux d’intérêt défiant toute concurrence sur les marchés financiers mondiaux.

S’agissant de la migration de la télévision analogique à la télévision numérique terrestre, décidée par la communauté internationale et dont la date butoir avait été fixée au 17 juin 2015, on constate que le Cameroun accuse un retard de cinq mois par rapport à cette date. Qu’est-ce qui explique ce retard ?

Votre constat n’est pas exact, dans la mesure où le Cameroun a effectivement basculé à la télévision numérique terrestre depuis le 10 juillet 2015. Depuis cette date en effet, les villes de Yaoundé et de Douala, ainsi que leurs environnements respectifs, soit environ 25 % de la population nationale, reçoivent depuis le 10 juillet 2015 le signal de télévision numérique, en diffusion hertzienne. Et c’est bien en cela que consiste la migration de l’analogique au numérique, pour la télévision de terre, c’est-àdire celle diffusée par voie hertzienne. Pour ce faire, un multiplex a été installé sur une tête de réseau située au centre de production de la CRTV à Mballa ll, à partir de laquelle un bouquet gratuit de 13 chaînes est acheminé vers les centres de diffusion de la CRTV de Yaoundé et de Douala, eux-mêmes désormais équipés d’émetteurs numériques et d’antennes appropriées. À l’heure actuelle, un millier de décodeurs a été distribué à un public-test pour la réception de ce signal numérique, à partir des téléviseurs analogiques. Mais ce signal de télévision peut également être reçu directement à partir de téléviseurs numériques. Le Cameroun fait donc désormais partie du cercle encore réduit des pays africains ayant basculé vers la télévision numérique terrestre (TNT). L’extension de ce basculement se fait de manière progressive sur le reste du pays au fur et à mesure de la numérisation du réseau de diffusion de la CRTV, qui sert de support à la TNT nationale.

En quoi cette migration technologique est-elle différente de ce qui se faisait jusqu’ici avec l’analogique ? Qu’est-ce qui va véritablement changer ?

De fait, l’introduction de la TNT dans notre pays va bou-leverser l’organisation des métiers et des activités dans l’univers professionnel de l’audiovisuel. D’autres secteurs d’activité seront aussi impactés, notamment le secteur des communications électroniques et des technologies de l’information et de la communication, du fait de la convergence des technologies. Concrètement, ce que va donc apporter la TNT de ce point de vue dans nos habitudes de consommation c’est, en plus du confort d’écoute et de visualisation, une possibilité accrue de loger des programmes audiovisuels infiniment plus nombreux dans les voies de passage qui transportent le signal de télévision vers ses destinateurs finaux, c’est-à-dire les téléspectateurs que nous sommes. À titre d’illustration, avec un canal exploité en mode analogique, il n’est possible à l’heure actuelle que d’acheminer un seul programme, c’est-à-dire, une seule chaîne de télévision. Avec la TNT, il sera désormais possible d’acheminer - tout en utilisant le mode de diffusion hertzienne - et de faire recevoir entre 20 et 30 chaînes de télévision. Cette mutation technologique, je veux parler de la migration de la télévision analogique vers le numérique, permettra une utilisation optimisée des fréquences radioélectriques, une meilleure couverture nationale, la garantie d’une meilleure qualité de service et un plus grand choix de programmes de télévision. La TNT va en outre stimuler l’industrie audiovisuelle, avec l’apparition de nouveaux métiers et de nouveaux opérateurs, la création d’emplois et de richesses, ainsi que l’augmentation de la production d’œuvres locales susceptibles de mieux assurer le rayonnement de notre patrimoine culturel et de notre génie créateur, aussi bien au Cameroun qu’à l’étranger.

Issa Tchiroma Bakary

La CRTV, la chaîne gouvernementale, est retenue comme l’épicentre de cette mutation technologique. Pourquoi la CRTV ? ne va-t-elle pas faire ombrage à ses concurrents du secteur privé ? Quelles sont les garanties qui peuvent rassurer les rivaux de la CRTV ?

Non. La CRTV est davantage un partenaire plutôt qu’un concurrent. L’institution de l’opérateur public comme multiplexeur exonère les éditeurs de programmes et autres services audiovisuels, c’est-à-dire les chaînes de télévision, de la lourde charge que constituent à l’heure actuelle la construction et la gestion d’une infrastructure de diffusion, pour la transférer par des procédures de mutualisation sur un opérateur public spécialisé en la matière. De plus, la législation applicable aux activités audiovisuelles fait obligation à la CRTV de ne faire aucune discrimination quant aux éditeurs sollicitant l’utilisation de ses multiplex et de son infrastructure de diffusion ; ceci sous peine d’amendes pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines de millions de francs CFA.

La CRTV sera-t-elle à la hauteur de cette nouvelle technologie ? Qu’est-ce qui est fait afin que le personnel de ce média étatique soit à même de satisfaire les attentes des populations davantage exigeantes ?

La CRTV dispose en elle-même de ressources humaines situées à un très haut niveau de compétence. Dans le cadre du projet de la réhabilitation technique de la CRTV, il va sans dire qu’il sera nécessaire d’adapter ces compétences au format technologique des équipements qui seront acquis et affectés à l’exploitation de la CRTV. Les aspects concernant cette mise à niveau seront pris en charge par le volet formation du contrat liant la CRTV à Startimes, et qui ont fait l’objet d’une budgétisation dans le cadre dudit contrat. C’est aussi de cette manière que nous entendons donner une réponse à l’épineuse question du transfert de technologies.

Combien de chaînes seront disponibles dans le bouquet de la CRTV ? Pour quel objectif ?

La CRTV a déjà mis en place un bouquet national expérimental de 13 chaînes, dont quatre chaînes internationales et neuf chaînes camerounaises. Ce bouquet est reçu en free to air, c’est-à-dire libre de tout frais d’abonnement. Le nombre de chaînes le constituant est appelé à évoluer au rythme de la conclusion des négociations relatives à l’acquisition des droits d’exploitation avec les autres éditeurs. ll pourra atteindre à terme une trentaine de chaînes.

Un deuxième bouquet en partage entre la CRTV et Startimes dans le cadre d’une joint-venture sera également commercialisé contre paiement d’un abonnement par les usagers. ll sera constitué de programmes à forte attractivité (documentaires, sports, variétés et autres divertissements), et pourra atteindre jusqu’à 80, voire 100 chaînes, avec des tickets d’entrée à plusieurs paliers. Les objectifs poursuivis par cette offre à deux volets portent à la fois sur la valorisation de l’identité de la culture nationale et la mise en valeur marchande de l’infrastructure de diffusion de la CRTV, avec un intérêt particulier pour l’accès des couches sociales les plus défavorisées à des programmes audiovisuels de qualité.

Quelle lecture faites-vous du partenariat gagnant-gagnant prôné par la Chine dans sa coopération avec les pays du continent africain et singulièrement avec le Cameroun ?

La coopération internationale prônée par le président de la République du Cameroun, son excellence Paul Biya, se veut à la fois multiforme et diversifiée. Celle entretenue avec la Chine apporte une satisfaction partagée entre les deux partenaires dans les domaines où le Cameroun et la Chine trouvent des intérêts mutuels à coopérer. La coopération sino-camerounaise se porte donc bien.

Comment entrevoyez-vous l’avenir des relations sino-camerounaises d’ici 20 ans ?

Mais pourquoi se limiter à une vingtaine d’années alors que nous devons aller bien au-delà ! Le Cameroun et les Camerounais apprécient les relations entre la Chine et le Cameroun, et nous fondons beaucoup d’espoirs dans l’excellence et l’amélioration sans cesse croissante de cette coopération. CA

(Interview réalisée à Yaoundé)