Par MA LI, membre de la rédaction
Sculptures en bois de Lei Cuo
«Mon aïeul, Lei Zhengzhong, n’aurait probablement pas imaginé que la maison ancestrale puisse renaître grâce à notre génération un siècle plus tard », dit Lei Jingjing, une descendante de la cinquième génération, en parlant de la rénovation en cours.Lei Cuo est l’un des quelques bâtiments de style chinois de cet établissement historique international situé sur l’île de Kulangsu (Gulangyu), un site du patrimoine mondial de l’UNESCO, à Xiamen (Fujian).En juin, cet édifice vieux de 125 ans retrouvera sa splendeur passée.
Cuo, qui signifie « maison » en hokkien, désigne également les bâtiments traditionnels du sud de la province du Fujian.En 1897, Lei Zhengzhong, le premier praticien chinois de médecine occidentale de Kulangsu, y a fait construire deux maisons en briques rouges et les a nommées Lei Cuo.
« Lei Cuo est un bâtiment dans le style du sud du Fujian relativement bien conservé qui est encore habité par les descendants », précise Cai Songrong, directeur du Centre de surveillance du patrimoine culturel mondial de Kulangsu, notant que Lei Cuo était caractéristique de l’architecture de Kulangsu en tant qu’établissement historique international.En novembre 2021, des problèmes structurels avaient été détectés et le comité de gestion de Kulangsu avait immédiatement commencé les travaux de réfection et de protection sous l’œil vigilant de Mme Lei, représentante de la lignée familiale.
« Pour conserver le style ancien, j’ai remplacé les poutres et les chevrons endommagés par les termites, et refait le toit.Afin de conserver le style original, j’ai également recherché beaucoup d’informations sur la maison ancestrale.» Pour Mme Lei, il fallait non seulement en conserver le caractère chaleureux mais aussi pour que ce lieu de vie reste celui qu’il a été pendant un siècle.
Alors que les travaux avançaient, Mme Lei et d’autres membres de la famille se sont concertés pour faire d’une des deux maisons un musée familial.« Les vieilles photos et les archives familiales de nos aïeux y sont exposées afin que les gens puissent en savoir plus sur l’histoire qui se cache derrière cette maison.»
Pour cette raison, Mme Lei a fermé la maison d’hôtes qui existait depuis de nombreuses années et s’est consacrée à rechercher l’histoire de cette demeure ancestrale.« Ces travaux de rénovation et de protection à grande échelle de Lei Cuo sont les premiers depuis sa construction », remarquet-elle.
Elle a d’abord voulu se faire une idée claire en consultant un grand nombre de documents historiques sur l’île de Kulangsu.« Le petit-fils de notre aïeul, Lei Wenquan, était diplômé de l’Université d’Édimbourg, spécialisé en génie civil.Après ses études, il est retourné en Chine en tant que concepteur en chef de ponts sur la Route de Birmanie.Lei Wenkeng était directeur chez Texaco et agent dans quatre pays.Mon grandpère Lei Wending était architecte et a participé aux plans du premier aéroport de Xiamen et de la bibliothèque de l’Université de Xiamen.»
Afin de mieux redonner vie à ce patrimoine architectural, les parents de Mme Lei ont créé l’ensemble musical Lei Cuo au sein de la communauté en 2009.« Sans nous en douter, cet ensemble musical composé de voisins, de parents et d’amis a contribué à la réussite de la candidature de Kulangsu à l’UNESCO.» Et de rappeler que le président du Comité scientifique international du Conseil international des monuments sur le patrimoine partagé Siegfried Enders et plus de 20 experts avaient assisté à la représentation de l’ensemble musical Lei Cuo et l’avaient qualifié de « meilleur élément vivant » de l’établissement historique international.En 2017, lorsque la directrice générale de l’UNESCO de l’époque, Irina Bokova, avait remis le Certificat d’inscription à l’UNESCO, l’ensemble musical avait joué la célèbre chanson italienne « Capri ».Mme Bokova avait d’ailleurs apprécié cette musique unique en esquissant quelques pas de danse.
Le groupe musical Lei Cuo
Lors de la rénovation de la maison ancestrale, Mme Lei a apposé une pièce de céramique colorée qu’elle avait découpée sur l’avant-toit pour y graver son nom.« Tout comme je peux toucher de mes mains l’histoire de mes ancêtres, c’est par la transmission de génération en génération que la demeure ancestrale a pu être mieux protégée et utilisée jusqu’à ce jour.»
« Quand j’étais enfant, j’aimais en regarder les sculptures en bois exquises.Ces sculptures de fleurs, d’oiseaux, de poissons et d’insectes sont si réalistes.Au fil des ans, j’ai gardé toute la beauté de ces détails en mémoire.» Et d’assurer que même dans un siècle, les préceptes familiaux affichés sur la porte « Traiter ses affaires dans la paix et sa famille avec sincérité » conserveront leur éclat.
2017
Inscription de Kulangsu à l’UNESCO
Contrairement à Mme Lei, Lin Conghai, âgé de 43 ans, aime se définir comme un nouveau venu.
« Je suis arrivé sur l’île en 2007.Sur la base de la réutilisation de l’ancienne maison, j’ai ouvert ma première maison d’hôtes.Maintenant, j’en ai trois en activité.Nous les appelons des pensions de famille car les visiteurs peuvent s’y sentir comme chez eux.» M.Lin a été le témoin des changements sur l’île.Les maisons tombaient en décrépitude et n’étaient pas protégées, mais depuis 2005, la ville de Xiamen a pris les choses en main et encouragé les investisseurs.« C’est à partir de ce moment-là que le boom de la conversion en maisons d’hôtes a débuté.»
M.Lin est aussi président de l’Association des exploitants de maisons d’hôtes de Kulangsu, ce qui lui permet d’avoir une vue d’ensemble du secteur.« Chaque vieille maison a un style différent, tout comme leurs exploitants.En les rénovant à l’identique, nous faisons rayonner l’atmosphère de l’établissement historique international », note-t-il.Sur près d’un millier de vieilles demeures, la moitié a été convertie en maison d’hôtes et toutes reprennent vie en conservant leur intégrité et leur authenticité dans le respect de la protection du patrimoine.
Zhang Xiaojuan exploite une maison d’hôtes depuis dix ans.Sa construction remonte à 1883.Les marins européens et américains venaient y faire escale.Elle abritait aussi les locaux de la compagnie commerciale britannique Tait à cette époque.En 1909, la Belgique a établi un consulat à Xiamen, et son second consul en a fait son hôtel particulier.» Après plus de dix années de rénovation méticuleuse, cette vieille demeure a retrouvé son caractère historique.« Ce n’est plus un bâtiment poussiéreux et froid.Il brille désormais de tous ses feux, on y trouve émotion et chaleur, tout ce qui fait la vie.» Mme Zhang aime à raconter l’histoire de cette demeure à tous ses hôtes, et son caractère à la fois moderne et ancien en fait un lieu de villégiature très prisé.
Les préceptes familiaux affichés sur la porte principale
Les vieux bâtiments sont l’âme de Kulangsu, et leur histoire s’accorde au rythme de l’île.
« Les vieux bâtiments sont l’âme de Kulangsu, et leur histoire s’accorde au rythme de Kulangsu.L’île compte 151 éléments du patrimoine immobilier et 439 bâtiments historiques.Nous devons non seulement les protéger, mais aussi les utiliser à bon escient », remarque M.Cai.
Wu Xiaowen enseigne à l’École d’architecture et de génie civil de l’Université de Xiamen et dirige le centre de recherche sur le patrimoine culturel de la Société de l’Institut de recherche et de conception architecturale de l’Université de Xiamen.Passionnée par Kulangsu depuis sa plus tendre enfance, c’est sur la protection du patrimoine de Kulangsu qu’elle focalise toute son attention.
« La participation des résidents de la communauté est indispensable pour la protection du patrimoine de Kulangsu », estime Mme Wu, précisant que le mot clé est « communauté ».Un tel patrimoine a été créé durant la période moderne et a été le témoin de la diffusion et des échanges interculturels.Il est le fruit de la sagesse et de la créativité d’artisans chinois d’outre-mer et locaux.
En termes de revitalisation et d’utilisation du patrimoine, Kulangsu a procédé à de nombreuses tentatives réussies, notamment en combinant la diffusion de la culture locale et la valorisation du patrimoine.Les objectifs commerciaux sont atteints tout en permettant à un plus grand nombre de biens de bénéficier de l’ouverture gratuite.« Au cours de ces dernières années, je suis très heureuse de voir que Kulangsu a évolué vers le tourisme patrimonial », se réjouit Mme Wu.« J’espère qu’à l’avenir, Kulangsu pourra conserver sa diversité culturelle et son cadre de vie de haute qualité, servir de trait d’union entre le présent et le passé, et montrer au monde un patrimoine culturel mondial plus authentique et vivant.»