HU BILIANG*
Le 4 juin, le premier train spécial Chine-France est parti de Nanchang, dans la province du Jiangxi, pour acheminer du matériel antiépidémique en direction de Paris. Chargé de 20 millions de masques, de 45 millions de paires de gants et d’autres produits de protection (le tout pour un montant de plus de 10 millions d’euros), ce train a effectué un parcours de près de 14 000 km dans sept pays pendant environ trois semaines. La Société nationale des chemins de fer français (SNCF) a déclaré que l’urgence sanitaire étant passée, le transport de fournitures antiépidémiques importées de la Chine a progressivement évolué vers le transport ferroviaire, qui est 30 fois moins cher que le transport aérien et dont l’empreinte carbone est 15 fois inférieure à celle de l’avion.
Selon les dernières données publiées par China State Railway Group Co., Ltd, on comptait en mai 1 033 voyages effectués par des trains de fret Chine-Europe, soit une augmentation de 43 % en glissement annuel, et ceux-ci ont transporté 93 000 EVP (« équivalent vingt pieds », l’unité qui désigne un conteneur standard) de marchandises, en augmentation de 48 % par rapport à l’année dernière. Au cours des cinq premiers mois de cette année, les trains de fret Chine-Europe ont accumulé 3 953 voyages et expédié des marchandises pour un total de 355 000 EVP, respectivement en hausse de 28,5 % et 32 % sur un an.
En raison de l’impact du COVID-19, le taux de croissance réel du PIB des principales économies mondiales a diminué à des degrés divers à partir du premier trimestre. Exemples : la Chine, qui a été la plus touchée par l’épidémie au premier trimestre, a vu son PIB baisser de 6,8 % sur la même période, le Japon, de 3,4 %, la zone euro, de 3,3 % et l’ensemble de l’UE, de 2,7 %. À partir de mars, les pays européens et américains ont souffert de l’impact épidémique qui n’a cessé de s’amplifier. Au deuxième trimestre, la croissance mondiale, y compris en Europe et aux États-Unis, a été plus affectée. Dans une situation aussi critique, les trains de fret Chine-Europe ont affiché une forte dynamique de croissance en dépit de la tendance à la baisse, tant en termes de nombre de voyages effectués que de nombre de livraisons. Quelle en est la raison ?
Le 4 juin 2020, le premier train spécial de matériel antiépidémique de Chine à destination de Paris est parti de Henggang, un port terrestre international à Nanchang.
Deux raisons expliquent cette croissance. Premièrement, touchés par l’épidémie, de nombreux pays ont été contraints de fermer leurs ports et leurs aéroports, ce qui a limité les transports maritimes et aériens transfrontaliers. Quant au fret ferroviaire transfrontalier, en raison des caractéristiques du transport segmenté et de l’absence de quarantaine, il est moins affecté par l’épidémie. Par conséquent, une partie des marchandises acheminées initialement par mer et par air ont été transférées vers le rail, ce qui a fait augmenter, plutôt que diminuer, le trafic et le volume de livraison des trains de fret Chine-Europe au cours des cinq premiers mois, malgré la pandémie.
Une autre raison est que les provinces du Centre et de l’Ouest de la Chine, tout comme de nombreux pays d’Asie centrale et d’Europe centrale et orientale, sont profondément enclavées, d’où une très forte demande de transport ferroviaire transfrontalier. Avec le lancement de l’initiative « la Ceinture et la Route » et la mise en œuvre de projets de construction connexes, toutes les régions chinoises, et en particulier celles du Centre et de l’Ouest, ont pris des mesures actives pour développer la coopération internationale en matière, entre autres, de capacités de production, de commerce et d’investissements dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route » avec des pays d’Asie centrale, d’Europe centrale et orientale et d’autres régions. L’objectif est de renforcer la coopération commerciale, la construction et l’interconnexion des infrastructures, ainsi que la construction de zones de coopération économique et commerciale à l’étranger, etc. Dans ce contexte, la demande de trains de fret Chine-Europe a été considérablement accrue. L’initiative « la Ceinture et la Route » a été proposée en automne 2013. De 2014 à 2019, le nombre de voyages effectués par des trains de fret Chine-Europe a progressé respectivement de 285 %, 165 %, 109 %, 116 %, 72 % et 30,6 % par an.
À en juger par la dynamique actuelle, ce nombre connaîtra une hausse considérable en 2020 par rapport à l’année précédente. Durant le développement continu de la construction de « la Ceinture et la Route », les trains de fret Chine-Europe se verront offrir des perspectives prometteuses.
Nouveau mode de transport, le fret ferroviaire entre la Chine et l’Europe a vu son trafic augmenter de manière ininterrompue et spectaculaire. Ainsi, le nombre de voyages a été multiplié par 385 depuis la mise en service des trains, le 19 mars 2011. Ce chiffre atteint en seulement neuf années démontre son potentiel de développement énorme. Au tout début, les convois ne partaient que depuis une seule ville chinoise, Chongqing, à destination de Duisbourg, en Allemagne. Mais aujourd’hui, plus de 60 villes chinoises sont directement reliées à une cinquantaine de villes dans 15 pays européens. Le réseau dense de fret ferroviaire a joué un rôle très important dans la promotion de la coopération économique et commerciale entre la Chine et les pays européens.
Le 15 septembre 2017, dans le port de Weihai (Shandong), le train de fret Chine-Europe à destination de Duisbourg est prêt à partir.
Le réseau dense de fret ferroviaire a joué un rôle très important dans la promotion de la coopération économique et commerciale entre la Chine et les pays européens.
Primo, les trains de fret Chine-Europe favorisent la formation de chaînes industrielles et d’approvisionnement plus solides entre les deux parties, ainsi qu’une coopération plus poussée en matière de capacités de production. Par exemple, ils ont transporté en Allemagne des pièces automobiles BMW et Mercedes-Benz produites par des entreprises de Wuhan pour des sociétés allemandes, puis ramené des véhicules fabriqués par celles-ci pour les vendre dans de nombreuses villes chinoises. Ce faisant, une chaîne dans l’industrie automobile a été établie entre les deux pays. Outre les véhicules, des produits électroniques fabriqués par des sociétés chinoises sont également arrivés, de cette manière et en grande quantité, en Allemagne, en France, en Pologne, en République tchèque et dans d’autres pays européens, tandis que la Chine a acheté un grand nombre de produits électroniques à plus haute technicité en Allemagne et en France.
Secundo, les trains de fret Chine-Europe profitent au commerce entre la Chine et l’Europe, et en fin de compte, les deux parties en bénéficient. Côté Europe, l’énorme marché chinois stimulera et favorisera à long terme la croissance des exportations européennes vers la Chine, tant pour les produits mécaniques et électriques, tels que les machines, les appareils mécaniques, les équipements électriques et les pièces de machines, que pour le matériel de logistique et de transport, comme les avions, les navires et les véhicules. Il ne faut pas oublier les produits chimiques, ainsi qu’un certain nombre de matières premières, les pièces et composants, les produits agricoles spéciaux et les produits d’élevage de haute qualité. Côté Chine, il est possible d’exporter des vêtements, des petits articles, de la nourriture et des fournitures médicales actuellement nécessaires pour l’Europe. Les trains de fret Chine- Europe peuvent aider les deux parties à faire fructifier davantage encore la coopération commerciale.
Enfin, les trains de fret Chine-Europe permettent également de tendre vers une meilleure coopération en matière d’investissements entre les deux parties. Ayant toujours maintenu un grand intérêt pour les investissements en Chine, l’Europe a massivement financé les secteurs qui possèdent un fort coefficient technique. Les retours financiers ont été très positifs. Cette approche concerne notamment l’industrie automobile et l’industrie chimique. Depuis 2008, les entreprises chinoises ont, de leur côté, commencé à accroître leurs investissements en Europe, lesquels ont atteint une certaine ampleur aujourd’hui. Il est à noter que la Chine et l’Europe ont déjà mené une coopération fructueuse dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route » et qu’elles ont renforcé leur confiance et leur compréhension dans la lutte commune contre l’épidémie. S’y ajoute le fait qu’elles sont parvenues à de bons consensus sur la préservation du multilatéralisme, de la mondialisation économique, du développement durable, du changement climatique, de la biodiversité…, si les négociations sur les accords d’investissements Chine-UE sont menées à bien comme prévu d’ici la fin de cette année, la croissance des investissements des deux côtés s’accélérera davantage.
Poursuivre l’expansion du transport de marchandises par des trains de fret Chine-Europe revêt une signification positive non négligeable pour encourager le développement rapide des pays européens et améliorer l’interconnexion entre les pays européens.