par Geoffrey Kamadi
Le Kenya conclut un accord d'exportation d'avocats avec la Chine
Le Kenya devrait devenir le premier pays d'Afrique à commencer à exporter des avocats vers la Chine, après l'entrée en vigueur d'un récent accord signé entre les deux pays. L'accord devrait aboutir à l'exportation de 40 % de la production du pays vers la Chine, selon le KEPHIS (Service de l'inspection phytosanitaire du Kenya), et ouvrira également la voie à l'exportation d'autres cultures horticoles, notamment les fl eurs, les haricots verts, le maïs miniature, les brocolis et les haricots plats.
L'accord fait suite à un document relatif aux mesures sanitaires et phytosanitaires signé en novembre dernier entre les deux pays en vue de l'exportation de produits kényans en Chine. Il était entré en vigueur avec la création de l'Organisation mondiale du commerce en 1995 et concerne l'application des réglementations en matière de sécurité sanitaire de l'alimentation et de santé animale et végétale.
Les fruits frais kényans devraient bientôt pénétrer le marché chinois.
En mars de cette année, les inspecteurs chinois de l'agriculture se sont rendus au Kenya pour effectuer des contrôles de certi fication des produits agricoles du pays,après une analyse des avocats réalisée par le KEPHIS, une agence gouvernementale qui garantit les normes de qualité des intrants et des produits agricoles. Les résultats de l'analyse ont été soumis au département concerné de la Chine.
« Ils [les Chinois] ont communiqué leur souhait de visiter le pays pour voir comment se déroule la production des avocats au Kenya », a déclaré Isaac Macharia, directeur général des Services phytosanitaires du KEPHIS. Lors de sa visite dans le pays,l'équipe chinoise a pu évaluer les activités du KEPHIS et visiter des installations de production, des fermes et des entrepôts de conditionnement d'avocats.
La Chine a accepté de commencer immédiatement à importer des avocats congelés en provenance du Kenya, le plus grand producteur d'Afrique. Une initiative qui a obtenu le feu vert après la visite du Président kényan Uhuru Kenyatta en Chine en avril dernier, lors de la signature de l'accord.
L'exportation d'avocats congelés n'est toutefois pas aussi simple que cela puisse paraître. Les moyens logistiques sont en effet aussi coûteux que complexes.
C'est une entreprise très coûteuse au début, précise ainsi Hosea Machuki, PDG de l'Association des exportateurs de produits frais du Kenya, organisme fédérateur représentant plus de 160 producteurs,fournisseurs, exportateurs et prestataires de services du secteur de l'horticulture.« Vous devez faire mûrir l'avocat, le peler et lui enlever la graine avant de le congeler entre moins 18 degrés Celsius et moins 30 degrés Celsius, ce qui nécessite des équipements [spéci fiques] », a déclaré M. Machuki.
« Les Chinois veulent des fruits congelés car ils se mé fient toujours des mouches des fruits, des écailles et des problèmes de traçabilité. Nous espérons rapidement répondre à ces préoccupations pour que nos fruits soient pleinement acceptés »,a déclaré aux médias locaux Okisegere Ojepat, PDG du Consortium des produits frais du Kenya.
M. Machuki fait écho à ces propos et a réitéré le souhait de son association d'exporter des avocats frais, rejoignant ainsi des pays tels que le Pérou et le Mexique, qui exportent leur récolte en Chine à l'état frais.
Selon M. Macharia, une seule entreprise du pays exporte des avocats surgelés, mais de nombreuses autres entreprises sont en train de mettre en place les installations nécessaires.
Les PME commerciales du secteur,comme la société Green East Traders, une entreprise exportatrice de produits frais,cherchent ainsi à en tirer parti, mais les besoins en matière de congélation constituent un réel dé fi.
« Près de 100 % des exportateurs que nous avons dans ce pays négocient des fruits frais, ce qui implique simplement de laver, désinfecter, cirer, sécher et emballer avant de refroidir les fruits à une température de 5 degrés centigrades », a remarqué Alfonce Musango, cofondateur de Green East Traders. À l'heure actuelle, la société ne possède pas ses propres installations de congélation. Elle signe donc un contrat de location à court terme avec des entreprises de taille moyenne ou grande disposant de chaînes d'emballage, de presseuses à huile et de systèmes de refroidissement quand elle envisage d'exporter ses produits.
Le Kenya attend un rapport de la Chine pour savoir quand le pays pourra également exporter des avocats frais sur le marché chinois tant convoité. M. Musango pense qu'un accord pour commencer à exporter des avocats frais en Chine sera bientôt conclu.
Les exportations d'avocats du Kenya augmentent d'année en année. Selon le KEPHIS,le pays en a exporté 67 477 tonnes en 2018,contre 51 507 tonnes l'année précédente. En 2016, les exportations s'élevaient à 38 702 tonnes. Le pays figure parmi les 10 premiers producteurs d'avocats au monde.
Au Kenya, plus de 150 entreprises exportent des avocats. Parmi les trois principales variétés d'avocat cultivées, on trouve le Jumbo, qui est consommé localement et exporté à l'échelle régionale, tandis que le Fuerte est préféré au Moyen-Orient. La variété Hass est exportée en Europe et,selon toute vraisemblance, sera celle qui le sera en Chine.
Bien que l'accord avec la Chine concerne le bout de la chaîne de valeur du marché de l'avocat, il « ouvre néanmoins de nombreux domaines innovants dans la recherche de produits à valeur ajoutée », a déclaré Lusike Wasilwa, directrice des systèmes de culture de l'Organisation de recherche sur l'agriculture et l'élevage du Kenya (KALRO).L'organisation est la première institution de recherche agricole du pays. Elle participe aux travaux du comité consultatif du projet relatif aux avocats au Kenya, en collaboration avec Plant and Food Research de Nouvelle-Zélande et Olivado, le plus grand producteur mondial d'huile d'avocat pressée à froid.
Selon Mme Wasilwa, cet accord d'exportation a eu un effet d'entraînement sur la consommation accrue d'avocats, d'huile d'avocat et de poudre de graines d'avocat, l'avocat étant considéré comme un « super fruit ». Les avocats sont très nutritifs et contiennent une grande variété de vitamines et de minéraux. Les toasts à l'avocat et le guacamole sont entrés dans de nombreux menus chinois au cours de ces dernières années. Ils étaient principalement destinés aux expatriés, mais sont de plus en plus prisés auprès des consommateurs chinois à la recherche d'un mode de vie plus sain.« Cela ouvre des opportunités pour plus de 44 variétés d'avocats du pays », a-t-elle déclaré. Selon Mme Wasilwa, des recherches peuvent également être entreprises sur l'utilisation des 42 autres variétés du pays,notamment dans les domaines de la science alimentaire et de la gestion après récolte des sous-produits de l'avocat destinés à la bioénergie, aux aliments pour animaux, à l'usage médicinal et aux bio-engrais.
Outre l'extension de son marché d'exportation traditionnel, cet accord renforcera les partenariats Sud-Sud en matière de transfert et de validation de technologie, compte tenu des laboratoires plus avancés de la Chine.Cela va générer, pour Mme Wasilwa, des recherches à plus grande échelle sur les technologies avant et après récolte ainsi que sur le traitement des produits.
Le KALRO discute actuellement d'un partenariat avec la Chine dans la recherche en sériciculture, qui utilise le mûrier comme matière première. CA