par Ge Lijun
Une entreprise chinoise investit dans l'industrie de la pêche en Mauritanie pour promouvoir une meilleure utilisation des ressources locales
Des employés mauritaniens dans une usine de transformation du poisson.
Hindou Mint Khartoun a de quoi être fière de sa carrière. Depuis juin 2012, la jeune femme de 26 ans travaille dans le bureau de la logistique d'une entreprise de pêche à Nouadhibou, en Mauritanie. Elle est maintenant passée maître dans la classification et l'emballage des poissons, en plus de s'occuper des communications de la société.
« Si mes parents ont besoin d'argent, je peux désormais les aider en contribuant au revenu familial », a-t-elle dit d'un ton enjoué, ajoutant que son salaire lui a même permis d'ouvrir son propre magasin, qu'elle gère après sa journée de travail.
La carrière de Hindou est l'une des nombreuses retombées bénéfiques des investissements de l'entreprise chinoise Hongdong Fishery en Mauritanie. D'abord composé de seulement deux bateaux, Hongdong Fishery est né à Fuzhou, dans la province côtière du Fujian (sud-est de la Chine),le centre de la pêche hauturière en Chine.Malgré ses humbles débuts, la société s'est progressivement développée jusqu'à devenir une entreprise de pêche hauturière dotée d'une chaîne industrielle complète intégrant la pêche en mer, l'exploitation de base, le service logistique de la chaîne du froid et le traitement des produits de la mer.
Or, le développement de la société s'est par la suite heurté à des goulets d'étranglement,tels que des coûts de transport océanique élevés et des difficultés de réapprovisionnement à l'étranger. En 2010, Hongdong Fishery décide d'investir en Afrique, en Mauritanie plus précisément. Ce pays d'Afrique de l'Ouest possède des ressources halieutiques très riches, mais souffre d'un manque d'expertise pour bien exploiter ce potentiel. Encouragés par cette complémentarité, le gouvernement mauritanien et Hongdong Fishery signent alors un accord de coopération d'une durée de 50 ans.
« Le lancement de l'initiative ‘la Ceinture et la Route' en 2013 a renforcé notre confiance à l'égard de nos activités à l'étranger. Nous avons créé un nouveau modèle, qui favorise le développement économique local aussi bien que le développement à long terme de notre entreprise », a expliqué Lan Pingyong,président du conseil d'administration de Hongdong Fishery, à CHINAFRIQUE.
Depuis 2012, la société coopère avec la China Export & Credit Insurance Corporation,ce qui lui permet d'obtenir du financement des grandes banques chinoises. Hongdong Fishery a ainsi pu investir environ 100 millions de dollars pour construire un centre de pêche moderne doté d'un quai, d'un entrepôt frigorifique, d'une usine de traitement,d'un centre de formation et d'un espace de vie, couvrant une superficie de 90 000 m2.
Le centre de pêche de Hongdong, en Mauritanie.
La Mauritanie attache une grande importance à la protection de ses ressources halieutiques. Sa réglementation en la matière est stricte, et les inspections des navires et des produits de la pêche sont régulières.« C'est à travers cette réglementation stricte que nous avons vu la possibilité d'un développement à long terme. Nous avons donc décidé de nous lancer dans la localisation pour promouvoir la pêche locale », a affirmé Chen Zhongjie, directeur général de l'entreprise, à CHINAFRIQUE.
Les plans de la société ont été bien accueillis par le gouvernement mauritanien,qui a délivré des permis pour 169 navires de pêche. Utilisant différentes méthodes pour capturer les différentes espèces de poissons autorisées en Mauritanie - autant des espèces pélagiques que d'eau profonde-, l'entreprise réalise des captures annuelles d'environ 60 000 tonnes. Le succès est tel que l'année dernière, l'entreprise a décidé d'investir 60 millions de dollars pour agrandir le centre de pêche, qui sera apte à traiter 100 000 tonnes de poissons pélagiques par an. Après la pêche, les poissons sont traités et congelés en usine pour être vendus en Europe, au Japon et en Chine et sur le continent. Rien ne se perd : les têtes et les queues sont utilisées pour produire de la farine et de l'huile de poisson. « Nous ne jetons rien, car cela causerait beaucoup de pollution. Nous ne gaspillons aucun poisson », explique M. Lan.
« En Mauritanie, Hongdong Fishery développe l'exploitation des ressources halieutiques à tous les niveaux de la mer,rendant possible une utilisation des ressources plus équilibrée et raisonnable », a indiqué Nani Ould Chrougha, ancien ministre des Pêches et de l'Économie maritime de la Mauritanie.
Après quelques années de développement, le centre de Hongdong est devenu le plus grand centre de pêche maritime d'une entreprise chinoise à l'étranger, avec une production annuelle d'une valeur de 60 millions de dollars.
En plus des emplois et des recettes fiscales,la société chinoise a apporté en Mauritanie des technologies modernes pour la pêche, la transformation et le transport par chaîne du froid, haussant le niveau de l'industrie locale.
« De fait, c'est un processus gagnantgagnant », a fait remarquer M. Lan. Selon lui,à Nouadhibou, qui compte moins de 100 000 habitants, près de 2 000 personnes travaillent maintenant chez Hongdong Fishery. Plus de 70 % des travailleurs sont originaires de la région. Avec le projet d'agrandissement qui sera achevé fin 2019, 1 000 emplois vont s'ajouter.
De nombreuses personnes sont employées dans le commerce du poisson avec le Mali.La société a également construit des écoles,des logements et des installations sportives et dispose même de navettes pour aller chercher et raccompagner ses employés.
En outre, les employés peuvent suivre des formations sur des technologies en la matière. Des centaines de spécialistes techniques ont ainsi été formés.
Dekouma Med Yesslem, 27 ans, est l'un d'entre eux. Arrivé à Hongdong en 2013,il travaille dans le département d'importexport depuis quatre ans, où il est chargé de superviser le chargement de conteneurs.« J'ai beaucoup appris et je suis assez satisfait de mon travail, car je peux acheter des biens pour ma famille et élever mes enfants avec mon propre salaire », a-t-il dit.
De plus, afin de promouvoir davantage le développement de la pêche local, 100 bateaux de pêche ont été spécialement construits par Hongdong pour apprendre aux pêcheurs à naviguer et à pêcher. « À ce jour, de nombreuses personnes de la région ont acquis des compétences et de l'expérience, et certains veulent acheter un bateau pour démarrer leur propre entreprise de pêche », a précisé M. Chen, ajoutant que l'entreprise avait généré des recettes fiscales d'environ 2,5 millions de dollars l'année dernière pour l'État mauritanien.
À partir de ce centre, une chaîne industrielle autour de la pêche a pris forme en Mauritanie, touchant aux secteurs de la réparation des navires, de l'approvisionnement en carburant, de la réparation des filets et de la transformation des produits de la mer.
« L'investissement de Hongdong Fishery a généré plusieurs avantages pour la population locale. Contrairement aux autres entreprises qui se contentent de pêcher,Hongdong est également actif dans la transformation et l'exploitation, ce qui a promu le développement de l'économie de Nouadhibou », a déclaré Mohamed Ould Daf, ancien président de la Zone de libreéchange de Nouadhibou. De fait, Hongdong cherche maintenant à répliquer ce modèle dans d'autres pays en Afrique.
« Nous sommes à la fois des participants actifs et des bénéficiaires de l'initiative ‘la Ceinture et la Route.' Je suis très fier de voir les 2 000 employés mauritaniens qui travaillent dans le centre de pêche de Hongdong, et plusieurs sont promus cadres de l'entreprise », a fait savoir M. Lan. CA