par Xia Yuanyuan
Des experts agricoles de Chine et d’Algérie discutent des meilleures techniques pour augmenter les récoltes et lutter contre la pauvreté.
La Chine et l’Afrique échangent leurs expériences respectives en matière de réduction de la pauvreté dans le cadre du FCSA
Quand Victoria Sekitoleko était jeune,elle n’avait aucune idée de ce qu’elle ferait une fois grande. Mais elle était sûre d’une chose : jamais, au grand jamais, elle n’épouserait un agriculteur.
L’ex-ministre ougandaise de l’Agriculture,des Industries animales et de la Pêche, aujourd’hui âgée de 65 ans, a raconté cette anecdote le 14 août dernier à Beijing, lors d’une conférence sur la réduction de la pauvreté et le développement dans le cadre du Forum sur la Coopération sino-africaine (FCSA).
Ayant grandi dans une modeste famille d’agriculteurs, elle s’est persuadée dans sa jeunesse qu’une éducation de qualité serait la seule clé pour échapper à la pauvreté de la vie rurale. Cependant, ce n’est qu’après être entrée à l’Université Makerere pour poursuivre ses études de licence en agronomie, qu’elle a compris réellement la valeur de l’agriculture et la nécessité de développer la capacité de ce secteur pour réduire la pauvreté dans son pays.
En 2011, en tant que représentante de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en Chine,Madame Sekitoleko s’est inspirée de la méthode chinoise en matière de réduction de la pauvreté. « Aujourd’hui, dans le cadre du FCSA, je suis heureuse de voir la Chine et les pays africains renforcer [leur coopération] en matière de lutte contre la pauvreté », indique-t-elle à CHINAFRIQUE.
Selon Justin Yifu Lin, conseiller du Conseil des affaires d’État, lorsque la Chine a commencé à appliquer sa politique de réforme et d’ouverture fin 1978, le PIB par habitant en Afrique subsaharienne était plus de trois fois supérieur à celui de la Chine. À cette époque, 84 % des Chinois vivaient sous le seuil international de pauvreté d’alors, fixé à 1,25 dollar par jour.
Toutefois, les statistiques de la Banque mondiale montrent que depuis la réforme et l’ouverture, la part de la population appauvrie a considérablement diminué. Le taux de pauvreté en Chine est passé de 88,3 % en 1981 à 1,9 % en 2013. Au cours des trois dernières décennies, quelque 700 millions de ruraux en Chine sont sortis de la pauvreté. En 2017, le revenu disponible annuel par habitant dans les zones rurales touchées par la pauvreté a atteint 9 377 yuans (1 359 dollars), soit une hausse de plus de 50 % par rapport à 2013, selon Liu Yongfu, chef du Bureau du groupe dirigeant du Conseil des affaires d’État de la Chine pour la lutte contre la pauvreté et le développement.
La population pauvre de la Chine a bénéficié de la croissance économique du pays, grâce au soutien du gouvernement,à l’industrialisation, à l’urbanisation, ainsi qu’à la construction d’infrastructures dans les régions touchées par la pauvreté. En décembre 2015, lors du Sommet de Johannesburg du FCSA, le Président chinois Xi Jinping a annoncé que le programme de réduction de la pauvreté figurait parmi les dix grands projets de coopération sino-africaine. De fait, ces dernières années,la Chine a multiplié ses efforts pour partager ses expériences avec les pays africains dans des domaines comme l’agriculture, la technologie, le savoir-faire et la construction d’infrastructures.
Dans le cadre du FCSA,je suis heureuse de voir la Chine et les pays africains renforcer[leur coopération] en matière de lutte contre la pauvreté.VICTORIA SEKITOLEKO,ex-ministre ougandaise de l’Agriculture,des Industries animales et de la Pêche
Comme l’a noté Madame Sekitoleko, dans de nombreux pays africains, le développement de l’agriculture et l’augmentation des revenus des agriculteurs jouent un rôle primordial dans la réduction de la pauvreté.
Selon Josefa Leonel Correia Sacko, commissaire à l’économie rurale et à l’agriculture de la Commission de l’Union africaine,l’Afrique compte environ 600 millions d’hectares de terres arables non cultivées, soit environ 65 % du total mondial. Cependant,de nombreux pays africains figurent parmi les plus touchés au monde par l’insécurité alimentaire et la faible productivité agricole.
D’après les experts, transformer les systèmes agricoles en Afrique exige que les agriculteurs pauvres soient dotés du savoir-faire, aient accès aux connaissances agricoles et aux marchés. Le Sommet de Johannesburg du FCSA a donc mis en priorité la coopération agricole sino-africaine,qui concerne notamment la mise en œuvre de projets de démonstration agricole, le transfert de technologies et l’amélioration de la productivité.
Depuis des dizaines d’années, le ministère chinois de l’Agriculture et des Affaires rurales envoie des agronomes et des enseignants chinois dans plusieurs pays africains pour épauler leur développement agricole. À titre d’exemple, une mission de dix membres a été envoyée en octobre 2015 au Zimbabwe pour mettre en œuvre le 2eprogramme de coopération agricole bilatérale. Les experts ont procédé à la première expérimentation sur la culture du riz hybride de l’histoire du Zimbabwe. Les rendements des six variétés de riz d’essai se sont tous révélés supérieurs à 10 tonnes par hectare, établissant un nouveau record pour le pays.
Béné ficiant d’un dividende démographique,l’Afrique comptera 200 millions de jeunes âgés de 15 à 24 ans d’ici 2025, représentant 20 % de la population totale du continent,selon les données publiées par les Nations unies. Cependant, le dé ficit de savoir-faire reste l’un des trois principaux freins au développement de l’Afrique, avec le double dé fide l’obsolescence des réseaux d’infrastructures et du manque de financement.
Lors du Sommet de Johannesburg du FCSA, M. Xi s’est engagé à ce que la Chine offre aux étudiants africains 2 000 opportunités d’éducation et 30 000 bourses gouvernementales. En outre, la Chine invitera chaque année 200 chercheurs africains à visiter le pays, 500 jeunes Africains à étudier en Chine et elle formera 1 000 professionnels des médias venant d’Afrique.
En 2017, Jack Ma, président exécutif du géant chinois de l’e-commerce et du numérique Alibaba, a fait savoir que son entreprise travaillerait avec plusieurs universités africaines dans la cadre de sa collaboration avec les gouvernements, pour développer des programmes de formation sur le commerce électronique, internet, les mégadonnées et l’informatique en nuage. « L’objectif consiste à former autant de jeunes que possible en Afrique », aきrme M. Ma.
De fait, les entreprises chinoises y jouent un rôle de plus en plus important. Prenons comme exemple le fabricant chinois de chaussures Huajian Group. Dans sa succursale en Éthiopie, 3 800 des 4 000 employés sont des habitants locaux. Grâce à un système de formation performant, les employés de Huajian sont en mesure de terminer l’ensemble du processus de fabrication, allant de la découpe du cuir au modelage et à la couture, et de produire plus de 8 000 paires de chaussures chaque jour. En plus, certains d’entre eux ont été envoyés en Chine pour apprendre le chinois et la gestion.
Selon Liu Yongfu, la Chine est toujours confrontée à la lourde tâche de sortir 30 millions de ses habitants de la pauvreté, et celle de l’Afrique est encore plus diきcile.L’élimination de la pauvreté pour le développement durable est donc l’objectif commun et la mission historique des peuples chinois et africain.
Selon lui, la Chine et l’Afrique pourront renforcer leur coopération en la matière dans les trois aspects suivants. Tout d’abord,les deux parties devraient multiplier leurs échanges pour partager leurs expériences et mener ensemble des recherches sur le terrain. Ensuite, la Chine devrait continuer à former les agents africains responsables de la lutte contre la pauvreté en fonction des besoins locaux. Finalement, des projets pilotes devraient être conjointement lancés pour servir d’exemples ou d’appuis techniques. CA