par Charles Onunaiju
L’Afrique doit suivre sa propre voie de réforme pour réaliser son potentiel
Cela fait 40 ans que la Chine s’applique à « franchir la rivière en tâtant les pierres », frayant une voie nouvelle et parcourant des terres inexplorées pour soutenir une modernisation emblématique à travers sa réforme et son ouverture.
Dans un discours liminaire à l’occasion de la première Foire internationale des importations de Chine (CIIE), qui s’est déroulée à Shanghai au début du mois de novembre,le Président chinois Xi Jinping a décrit les quatre décennies de réforme et d’ouverture en Chine comme un « voyage épique pour le peuple chinois », ajoutant : « La Chine a poursuivi son développement [en maintenant] sa porte ouverte et réussi à transformer une économie fermée et semi-fermée en une économie entièrement ouverte. »
La lutte révolutionnaire de la Chine,qui a entraîné la libération nationale et la construction socialiste, fut un évènement majeur dans l’histoire de l’humanité et rien n’a préparé le monde à la 3esession plénière du XIeComité central du Parti communiste de Chine (PCC) en décembre 1978, lorsque la décision fut prise de placer la modernisation économique au cœur du travail du Parti, annonçant la réforme et l’ouverture comme la trajectoire majeure pour la future gouvernance de la Chine.
Même si la réforme et l’ouverture sont -selon Xi Jinping - « une décision stratégique prise par la Chine basée sur ses besoins de développement, ainsi qu’une action concrète pour faire progresser la mondialisation économique, de façon à ce qu’elle béné ficie aux peuples du monde entier », les leçons et les expériences tirées du maintien du cap de la réforme et de l’ouverture constituent une ressource critique et stratégique, qui peut aider au développement de l’Afrique.
Après 40 années de ce qui a été quali fié de « deuxième révolution chinoise », ce n’est pas seulement le pays qui a changé. L’humanité toute entière fait face à des perspectives nouvelles et radieuses d’opportunités, qui peuvent répondre à ses préoccupations fondamentales, allant des besoins matériels existentiels à la paix et la sécurité. L’expérience chinoise enseigne qu’il n’existe pas de modèle prêt à l’emploi,mais que la progression doit se faire par le biais d’expérimentations con fiantes et sans cesse renouvelées, afin de réduire ou d’accélérer le rythme, mais jamais de rester immobile ou de faire marche arrière.
Les 40 années d’efforts sans relâche de la modernisation chinoise par le biais de la réforme et de l’ouverture ont également montré que les choix difficiles mais indépendants faits à partir de la compréhension de ses propres conditions réelles nationales,ainsi que l’engagement dans l’évaluation constante et réaliste des contradictions par le biais de mécanismes intrinsèques de véri fication des faits, peuvent garantir le flux continu de compétences et de capacités pour soutenir un développement durable et inclusif.
La réforme et l’ouverture ont apporté à la Chine une prospérité sans précédent, non seulement en améliorant la qualité de vie de sa population, mais également en accélérant le rythme de recherche d’une vie meilleure pour elle. Toutefois, elles ont aussi amené le pays à faire face à ses responsabilités pour aider à éradiquer la pauvreté mondiale,passer au crible le réseau endémique de l’insécurité et assurer que les dividendes de la prospérité et de la paix créés par les avancées des connaissances, des sciences et des technologies soient mieux répartis au sein de l’humanité.
La réforme et l’ouverture ont donné à la Chine un outil sophistiqué d’engagement mondial au-delà de son voisinage et il n’existe aucune autre région au monde,où l’intensité et la profondeur de la coopération globale de la Chine est plus évidente qu’en Afrique.
Les trajectoires de développement des pays africains ont dû faire face à des dé fis, pas par manque de courage ou de persistance,mais à cause d’un manque de compréhension des réalités existentielles et des conditions spéci fiques de chaque pays africain et des contradictions que cela génère. Les grandes lignes de la réforme et de l’ouverture de la Chine ont consisté essentiellement à comprendre à chaque instant la sévérité de ses réalités existentielles et de ses conditions nationales, ainsi que les efforts considérables devant être déployés pour satisfaire cet engagement. Cette voie d’engagement sans relâche ne tolère pas la complaisance, le laxisme, ni même un relâchement momentané.
Notant que la voie de développement de la Chine ne peut bien entendu être copiée par aucune autre nation, la principale leçon consistant à « utiliser l’économie et la gouvernance pour améliorer la société » finira inéluctablement par résonner et s’imprimer en Afrique.
Il y a 40 ans, peu de personnes en Afrique savaient où se trouvait Guangzhou. Aujourd’hui, il s’agit d’une ville commerciale et financière renommée, un pôle des affaires situé dans la province chinoise côtière du Guangdong, où la plupart des Nigérians- et la plupart des Africains de manière générale - se rassemblent pour bénéficier d’opportunités lucratives. En réalité,il y a 40 ans, les villes d’Aba et Kaduna au Nigeria, pour ne citer qu’elles, constituaient un pôle important du cuir et du textile en Afrique de l’Ouest, et se préparaient à intégrer la chaîne de valeur industrielle mondiale, qui donne à un pays une place signi ficative dans le commerce mondial.Plus maintenant. Guangzhou a prospéré et s’est développée pour devenir un pôle commercial international, tandis que Kaduna et Aba sont aujourd’hui jonchées de machines industrielles rouillées et abandonnées depuis longtemps. Pourtant, ces deux villes peuvent sûrement se relever.
La fondation de la République populaire de Chine en 1949 a donné pour la première fois de son histoire au peuple chinois une prérogative exclusive sur le choix de sa destinée. C’est ce qu’il fit, mais l’année 1978 fut un moment d’introspection nationale considérable, de choix difficiles et de décisions audacieuses.
La direction du PCC a pris la décision de s’éloigner de la zone de confort d’une rhétorique révolutionnaire facile, pris la modernisation économique comme tâche fondamentale, lancé la réforme et l’ouverture, et frayé son chemin sur un terrain difficile consistant à « traverser la rivière en tâtant les pierres ».
Les pays africains feront-ils le choix diffi cile de s’éloigner de leur zone de confort,qui les poussent à s’incliner sans fin devant une sagesse venue d’ailleurs, des systèmes politiques étrangers et des modèles économiques orthodoxes, qui ne les ont amenés nulle part ? L’Afrique doit commencer cette tâche difficile de remettre sans cesse en question ses propres réalités et de forger son propre cadre politique et institutionnel.Elle doit pro fiter des leçons valides de la maxime chinoise : « La pratique est le seul critère de la vérité. »
Aba, Kaduna et un grand nombre d’autres villes sont des avant-postes industriels potentiels en Afrique, qui pourront se relever si l’Afrique s’efforce de trouver une renaissance et des réformes qui s’enracinent dans ses propres réalités. Lorsque ces réformes s’ajouteront à un partenariat international sans précédent avec une Chine régénérée,volontaire et capable de s’engager de manière productive et respectueuse en Afrique,le potentiel du continent sera vraiment sur le point de se réaliser. CA