L’agriculture biologique se développe autour des grandes métropoles chinoises par Francisco Little
Le bio fait des émules en Chine
L’agriculture biologique se développe autour des grandes métropoles chinoises par Francisco Little
L’AGRICULTURE DURABLE
PRENDRE le déjeuner à l’extérieur en cettejournée d’hiver à la ferme écologique Chunnixiang, à une heure de Beijing, est tout ce qu’il y a de plus agréable. La cuisine rudimentaire, mais chaude, se trouve dans un coin dans une serre, et la vapeur s’échappe des plats de légumes. On y voit du chou frisé, des choux de Bruxelles, du raifort et un pain maison avec de la pâte de soja fermenté. Tous ces légumes ont été récoltés dans cette ferme organique.
Wu Lulian exploite la ferme avec son époux. Elle veut que les gens mangent mieux et que la Chine fasse de l’organique, un terme utilisé pour désigner tout ce qui est cultivé sans produits chimiques, artif iciels ou pesticides. Cette ancienne enseignante a eu cette idée en 2006, suite à des problèmes de santé qui lui ont coûté cher. « Après les consultations médicales, nous avons découvert que la nutrition pauvre que nous tirions de la nourriture locale était la cause de notre mauvaise santé », lance-t-elle à CHINAFRIQUE. Pour y remédier, elle s’est lancée dans la culture de ses propres légumes et a changé son mode de vie.
Wu Lulian prépare la livraison de ses légumes organiques annoncés et vendus par les médias sociaux.
En tâtonnant, et avec l’aide d’autres fermiers, Mme Wu est maintenant une agricultrice accomplie dans son exploitation organique de 4 hectares. « Je peux récolter plusieurs tonnes de légumes tout au long de l’année avec seulement deux serres », explique-t-elle. On y trouve du fenouil, de la ciboulette, des poivrons, des betteraves et des échalotes qui dégagent un parfum enchanteur dans la serre chauffée, malgré le froid à l’extérieur.
Selon Mme Wu, les autorités encouragent l’agriculture organique des légumes, lui octroyant 1 000 dollars de subventions annuelles et lui conf i ant la gestion de plusieurs serres de la collectivité du village de Guangjitun, dans le district de Yanqing. Elle se refuse cependant à produire plus pour éviter les fertilisants chimiques.
Elle a engrangé 58 000 dollars de recettes en 2015 et emploie plus de 20 personnes en période d’activité. « Les fermiers de Beijing sont riches car ils louent leurs terres à des preneurs de toute la Chine et ne veulent pas travailler ici. »
Liu Fuli vient de la province du Jilin, dans le nord-est de la Chine. Elle est arrivée à Beijing il y a trois ans pour travailler avec Mme Wu après l’inondation de sa propre ferme. « L’agriculture organique, c’est mieux que les récoltes chez moi et je pense que c’est l’avenir », estime-t-elle. Elle constate aussi que des jeunes du Jilin se lancent dans cette activité.
Wang Yongyan, du Heilongjiang, dans le nord-est de la Chine, travaille aussi avec Mme Wu après deux années passées dans une ferme en Russie. « Dans le Heilongjiang, la plupart des fermiers cultivent deslégumes organiques pour eux-mêmes », dit-elle. Elle estime que le surcoût pour consommer des produits organiques n’est rien comparé aux bénéf i ces pour la santé.
Des serres chaudes de ce genre sont en service toute l'année.
Mme Wu vend ses produits sur les réseaux sociaux à plus de 200 clients. Les citadins peuvent louer un espace de la serre et récolter leurs propres légumes. Elle vend aussi des poissons vivants, après avoir signé un contrat avec un exploitant public d’un réservoir voisin qui fait de la pisciculture organique. Les poissons sont ainsi livrés vivants avec les commandes de légumes.
De l’autre côté de Beijing, Sun Rongze, propriétaire de la ferme organique de Jintianmao, constate que de plus en plus d’agriculteurs pratiquent des méthodes naturelles et organiques. « Je veux que mes enfants, ma famille et mes amis puissent mener une vie plus saine. Cela m’a motivée à me lancer dans l’organique et cultiver mes produits. J’ai besoin d’avoir conf i ance en ce que je consomme », aff i rme-t-elle à CHINAFRIQUE, ajoutant qu’elle souhaite changer les modes de consommation.
Sun, ancienne responsable du personnel, estime que l’agriculture naturelle est une avancée par rapport à l’organique, cette méthode se basant par exemple sur l’absence de mécanisation et s’appuyant sur la diversité de l’écosystème. C’est selon elle la voie à emprunter pour une agriculture durable. « J’utilise des fraises, du lait et du sucre roux pour fertiliser, des ruches pour la pollinisation dans les serres et des coccinelles et de l’échalote pour lutter contre les ravageurs. »
Elle gère 69 serres sur 14 hectares, qui produisent une tonne de légumes tous les six mois. C’est un cycle long, et les consommateurs doivent en payer le surcoût. Elle a reçu une certif i cation du ministère de l’Agriculture, ce qui garantit que des experts vérif i ent que ses produits sont bien naturels. Les autorités l’ont encouragée et lui ont accordé de l’aide. Elle produit une soixantaine de types de fruits et légumes et emploie au moins 20 personnes.
Comme Mme Wu, elle écoule ses produits dans des boutiques biologiques à Beijing et est très active sur les réseaux sociaux pour la livraison à domicile. Leurs choux-f l eurs, choux de Bruxelles et fenouil sont aussi populaires auprès des étrangers.
L’un des marchés bio les plus actifs de Beijing est Farm to Neighbors (FTN), qui se tient tous les weekends à Liangmaqiao. ll a été lancé en 2014 par Erica Huang pour fournir une plate-forme aux fermes autour de Beijing qui veulent comme elle promouvoir une alimentation saine.
Mmes Sun et Wu approvisionnent FTN pour une clientèle plus avertie en quête d’options saines, dans l’esprit de la réforme du côté de l’offre actuellement mise en place en Chine qui vise à réduire les démarches administratives et à maximiser l’allocation des ressources.
FTN compte maintenant une cinquantaine de revendeurs, des fermiers et des artisans, et attire plus de 2 000 personnes le weekend. La plupart des produits sont nouveaux pour les consommateurs chinois et ils sont publicisés par les étrangers à la recherche de sécurité alimentaire.
On trouve de telles plate-formes un peu partout en Chine, et elles sont une source de revenus vitale pour les fermiers et les fournisseurs. « La plupart d’entre eux n’approvisionnent pas les marchés conventionnels en raison du coût élevé des produits organiques. lls seraient trop chers sur les marchés conventionnels », explique Mme Huang. Elle précise qu’il en coûte près de la moitié plus cher que pour un même produit ordinaire. Ces marchés d’agriculture biologique se développent dans les grandes villes de Chine comme Guangzhou, Dalian, Kunming, Hefei, Chengdu et Shanghai.
Mme Huang souligne enf i n que si la plupart des fermes approvisionnant FTN sont « organiques » au sens juridique du terme, leur taille réduite ne leur permet pas d’obtenir une certif i cation off i cielle. Elles fournissent des produits qui ont été inspectés par son équipe et leurs méthodes de production a fait l’objet d’un contrôle. « Je pense que FTN est important car cela façonne un sens de la communauté et un lien en cette période de développement rapide. C’est une plate-forme où les gens peuvent se voir. lls savent d’où viennent les produits. lls peuvent même se rendre sur place. Je pense que c’est quelque chose de très spécial », conf i e-t-elle. CA