Diplomatie du petit écran

2016-12-15 05:28LacooprationdesindustriesvisuelleetcinmatographiquepermetdemieuxraconterlaChineaucontinentafricainparFranoisDub
中国与非洲(法文版) 2016年12期

La coopération des industries télévisuelle et cinématographique permet de mieux raconter la Chine au continent africain par François Dubé

Diplomatie du petit écran

La coopération des industries télévisuelle et cinématographique permet de mieux raconter la Chine au continent africain par François Dubé

Les bonnes histoires parleront toujours aux gens, elles permettent de partager des sentiments et des émotions, dépassant les barrières de culture ou de civilisation.

Luke Liu, chargé des relations publiques de StarTimes à l’étranger

JACKIE Chan est mondialement connu pour

ses incroyables bagarres et cascades, mais pendant la tournée promotionneiie pour son fiim Dragon Blade en 2015, ce sont les talents linguistiques du maître de kung fu qui ont attiré l’attention du public. Dans une courte vidéo publiée sur internet, Chan saluait ses fans dans quatre des langues locales nigérianes, à savoir le pidgin, le yoruba, le haoussa et l’igbo, créant le buzz chez les internautes.

Cette vidéo n’est qu’une preuve supplémentaire des liens de plus en plus étroits entre les industries du divertissement du Nigéria et de la Chine. Alors que l’industrie cinématographique chinoise tente d’attirer des cinéphiles étrangers, Nollywood (nom donné à i’industrie du fiim nigériane) voit en ia Chine un marché prometteur. Il existe donc des deux côtés une volonté d’accroître la collaboration et les échanges.

Le groupe StarTimes est un des principaux acteurs de cette tendance. Cette entreprise spécialisée dans les médias, basée à Beijing, a été l’une des premières à rendre la culture chinoise accessible sur le continent africain. Cette initiative a connu un tel succès que i’exportation de fiims et séries chinoises vers ie marché nigérian fait désormais pleinement partie du modèle commercial de la compagnie. « Nous nous considérons désormais comme un pont culturel entre i’Afrique et ia Chine », affirme Ma Shaoyong, directeur marketing de StarTimes pour la région Afrique de l’Ouest.

Saison chinoise en Afrique

Fondée en 1988, la compagnie StarTimes est devenue un important opérateur de télévision et fournisseur de contenu en Afrique. StarTimes s’implante pour la première fois sur le continent en 2007, en devenant le premier opérateur de télévision numérique au Rwanda. En 2009, elle parvient à se faire une place dans le marché nigérian. Aujourd’hui, la compagnie chinoise fournit 8 millions d’abonnés, dans 10 pays africains.

Si l’objectif principal de la compagnie est de rendre la télévision numérique accessible et abordable en Afrique, celle-ci soutient également les échanges culturels. Le 22 septembre a été lancée la Saison télévisuelle et cinématographique de Beijing en Afrique (Beijing TV Season), à Abuja, au Nigéria. Lors de ce cycle audiovisuel, qui durera un an, 400 épisodes de séries téiévisées et 17 fiims chinois seront diffusés dans le pays. « C’est la troisième fois que StarTimes et le Bureau municipal de presse, publication, radio, cinéma et télévision de Beijing collaborent pour organiser la Beijing TV Season », explique Luke Liu, chargé des relations publiques de StarTimes à l’étranger. Cette saison a connu un réel succès en 2014 et 2015, si bien qu’elle a également été organisée en Tanzanie et au Rwanda en 2016. À mesure que les échanges culturels entre Chinois et Africains s’intensifient, ies séries téiévisées et ies fiims chinois deviennent de pius en pius popuiaires sur le continent africain. « Les bonnes histoires parleront toujours aux gens, elles permettent de partager des sentiments et des émotions, dépassant ies barrières de cuiture ou de civiiisation », confie Liu à CHINAFRIQUE.

Selon Nathan Nathaniel Ekpo, journaliste nigérian spécialisé dans le cinéma, le succès de StarTimes en Afrique peut s’expliquer par les efforts de la compagnie pour doubler les programmes chinois en yoruba et autres langues locales, attirant ainsi un plus grand nombre de téléspectateurs. Le vice-ministre chinois de la Culture, Ding Wei, apprécie tout particulièrement le travail de StarTimes, notamment la Beijing TV Season, qui correspond à la volonté du PrésidentXi Jinping de « mieux raconter la Chine ». « Je pense que les échanges culturels peuvent être une langue commune entre ia Chine et i’Afrique », affirmait ie vice-ministre lors d’une conférence sur la coopération culturelle sino-africaine, à Beijing en octobre. « L’expansion de la culture est le véritable objectif de l’humanité, c’est un type d’échange plus évolué, qui donne de l’élan et de la vitalité aux échanges entre la Chine et l’Afrique dans d’autres domaines. »

Grâce à StarTimes, les Nigérians peuvent regarder la télévision chinoise chez eux.

Découvrir Nollywood

Depuis que les programmes chinois gagnent en popularité, les réalisateurs et producteurs nigérians considèrent la Chine comme un marché potentiel pour Nollywood. Avec pius de 1 800 fiims produits chaque année, Noilywood est la deuxième industrie du cinéma en termes de volume de production après Bollywood en Inde, avec une valeur estimée à 5 milliards de dollars en 2014. Bien plus qu’une simple puissance économique, Nollywood représente le Nigéria dans le monde.

Lors de sa visite à Beijing en octobre, l’une des priorités d’Ayotunde Adesugba, secrétaire permanente du ministère de la Culture nigérian, était de faciliter l’accès de Nollywood au marché chinois. « Notre industrie cinématographique, Nollywood, est un excellent vivier culturel. C’est un domaine dans lequel on peut beaucoup faire en termes d’échanges, mais également de renforcement de capacités. Je crois fermement que nous pouvons en tirer profit », confiait-eiie aiors à CHINAFRIQUE. Selon elle, Nollywood est l’une des industries les plus prometteuses en termes de coopération culturelle entre les deux pays, et pourrait apporter de nombreux bénéfices aux producteurs nigérians. La Chine compte plus de 31 000 écrans de cinéma modernes, alors qu’il y en a moins de 100 au Nigéria et près de 1 000 sur le continent africain. « La Chine peut sans aucun doute devenir un marché pour ies fiims noiiywoodiens. Les fiims chinois sont déjà assez populaires au Nigéria, particulièrement ies fiims d’arts martiaux, ou fiims de ce type. Bien sûr, je pense que nous pouvons faire mieux, nous pouvons être pius efficaces dans nos échanges, et dans la promotion de nos cultures respectives », affirmait Adesugba.

Défis à venir

Pour Lawrence Akande, diplômé de l’Académie du cinéma de Beijing et producteur à Nollywood, le partenariat culturel entre les deux pays offre des perspectives prometteuses, malgré quelques obstacles. Selon lui, si les réalisateurs nigérians veulent exporter leurs fiims, ii ieur faut d’abord comprendre ies spécificités cuitureiies de ieur marché cibie. « ii est difficiie de s’implanter dans un pays que l’on connaît mal », affirme-t-ii. Une des soiutions pourrait être d’accroître ia diversification et ia coiiaboration. « ii faut diversifier en termes de cuiture et coiiaborer en termes de production. C’est une méthode déjà utilisée par Hollywood pour pénétrer les marchés d’autres pays et attirer diverses audiences autour du monde », explique Akande à CHINAFRIQUE.

La collaboration peut également permettre aux producteurs nigérians de compenser leur manque de connaissances des réglementations et des standards des marchés étrangers, problème qui constitue i’un des obstacies majeurs à i’exportation des fiims du pays. Mais cette coopération audiovisueiie ne serait pas uniquement bénéfique au Nigéria, affirme Akande, puisqu’elle permettrait aux producteurs chinois de mieux comprendre le marché nigérian, sur lequel la concurrence coréenne et japonaise s’intensifie. Le producteur sinophiie est persuadé que ia Chine reièvera ces défis et deviendra un marché majeur pour ies fiims noiiywoodiens. « J’ai vécu en Chine pendant cinq ans, et je sais que l’Afrique et la Chine ont des ressemblances culturelles », dit-il à CHINAFRIQUE. « Si les populations des deux régions se rendent compte des valeurs qu’elles partagent, eiies sauront apprécier ieurs fiims respectifs. » CA

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