Une entreprise très puissante
Les revenus de guichet ont connu une forte croissance en 2014 malgré des problèmes persistants par Ji Jing
L'lNDUsTRlE cinématographique chinoise a connu un nouvel essor l'an dernier. Selon un rapport présenté le 5 janvier par l'Administration générale de la presse, de l'édition, de la radiodiffusion, du cinéma et de la télévision, les revenus de guichet ont atteint 29,6 milliards de yuans (4,77 milliards de dollars), une augmentation de 36 % sur l'année précédente. Bien qu'il s'agisse d'un recul sur le record établi de 30 milliards, le montant suffit à faire hausser les sourcils dans la communauté mondiale de l'industrie, qui n'a connu que 4 % de hausse. En Amérique du Nord, les chiffres ont diminué de 6 %, selon le rapport 2014-15 de l'industrie cinématographique chinoise publié par EntGroup Consulting,une entreprise chinoise de recherche sur l'industrie du cinéma.
ll n'a fallu que quatre ans (2010-2014) pour que les revenus de guichet chinois passent de 10 à 30 milliards. En 2012, la Chine est passée au second rang de cette industrie après l'Amérique du Nord.
Le rapport soulignait aussi que la Chine a été l'un des principaux moteurs de croissance des revenus du cinéma dans le monde. Les recettes mondiales de 2014 représentaient 37,5 milliards de dollars; les États-Unis comptaient pour 27 % et la Chine, 13 %. Dans l'augmentation de 1,6 milliard de dollars des recettes mondiales en 2014, la contribution chinoise représentait 75 %.
L'industrie cinématographique chinoise ne devrait pas se laisser berner par ses récents records d'affluence mais porter davantage d'attention à l'amélioration de la qualité.
Rao Shuguang, Président de l'Association des cinéastes de Chine
Les recettes mondiales de 2014 représentaient 37,5 milliards de dollars
Un coup d'œil sur le cinéma chinois en 2014 fait apparaitre diverses tendances. La compétitivité des films chinois face à leurs contreparties importées s'est affirmée. Les revenus de guichet des films nationaux ont surpassé ceux des films importés. Les 308 films à l'affiche des cinémas l'an dernier ont ratissé 16,16 milliards de yuans (2,6 milliards de dollars), soit 54,51 % du total des revenus,et les 80 films importés ont rapporté 13,48 milliards de yuans (2,17 milliards de dollars). Les productions chinoises représentent la moitié des 20 films qui ont rapporté le plus. « L'industrie cinématographique chinoise a traversé une période de rattrapage suivant la signature d'un accord avec les États-Unis en 2012. ll en résulte que la Chine a pu enregistrer la plus haute croissance mondiale, même dans la compétition des films à succès de Hollywood comme Transformers: Age of Extinction (Transformers 4) », a dit Hou Tao, vice-président d'EntGroup Consulting. Selon l'accord de 2012, l'importation de films de Hollywood par la Chine devrait passer de 20 à 34 par année.
Un coup d'œil sur les occasions qu'offre le gigantesque marché chinois permet de comprendre que plusieurs entreprises cinématographiques étrangères cherchent maintenant à coopérer avec la Chine. Le film de science-fiction Transformers: Age of Extinction est une coproduction de Paramount Pictures, China Movie Channel et Jiaflix. Certaines scènes ont été filmées dans les villes de Beijing, Chongqing et Hongkong, et des acteurs et actrices chinois -Li Bingbing par exemple -ont été engagés afin d'attirer le public chinois.
Ce film, le quatrième de la série « Transformers », a récolté 1,98 milliard de yuans (319 millions de dollars), battant les records précédents des films chinois et étrangers, et est devenu le film qui a rapporté le plus dans l'histoire de la Chine.
À la fin de 2014, dix pays avaient signé des accords de coproduction avec la Chine,comme la Grande-Bretagne, la République de Corée, et Singapour. An Xiaofen, président de Desen lnternational Media Co. Ltd., une entreprise à Beijing spécialisée dans la production et la distribution de films à sujets locaux, a dit qu'il y avait trois façons pour les filmsétrangers d'entrer en Chine. Premièrement, les producteurs doivent demander que leur film soit inclus dans les 34 films importés annuellement, ce qui leur permettrait d'obtenir 25 % des revenus de guichet. Deuxièmement,les compagnies nationales de distribution achètent les droits de présentation d'un film étranger. Dans ces circonstances, les producteurs étrangers n'ont pas droit à une part des revenus de guichet. Troisièmement, les producteurs chinois et étrangers coproduisent un film, et dans le cas la partie étrangère touche 43 % des revenus de guichet.
De plus, les entreprises électroniques nationales comme Baidu lnc., Alibaba Group Holding Ltd., et Tencent Holdings Ltd. ont aussi annoncé des projets d'investissement dans l'entreprise cinématographique en 2014.
Selon Tianto lnfo Consulting, les entreprises électroniques vont probablement remodeler l'ensemble de l'industrie cinématographique. Elles pourront tenir compte des besoins des spectateurs, car elles possèdent des données sur leurs achats et leurs préférences. De plus, elles peuvent étendre les canaux de distribution au moyen de l'internet, et surtout de l'internet mobile.
« Un téléphone cellulaire peut fonctionner comme un écran miniature. Le profit que les distributeurs de films reçoivent des applications (apps) deviendra bientôt plus stable et durable. En même temps, la popularité des « apps » de ce genre permettra à des films moins recherchés d'atteindre un auditoire », a dit Liu Shuyao,fondateur et directeur général de 100 TV, un portail vidéo conçu exclusivement pour les appareils mobiles.
Des clients font la queue pour acheter des places au cinéma Wanda à Yichang, dans la province du Hubei,le 31 janvier 2014
Le goût des auditoires chinois s'est aussi diversifié. Les romances, les comédies et les films d'action représentaient près de 70 % du revenu des films nationaux l'an dernier. Toutefois, des films noirs, d'arts martiaux et de fantaisie ont aussi gagné en popularité.
ll est largement reconnu que le plus grand déficit du marché du film l'an dernier était dû au manque de grandes productions et de films de science-fiction produits au pays, a dit Chen Xuguang, directeur de l'lnstitut de cinéma, télévision et théâtre de l'Université de Pékin.
ll en résulte que les films de ce genre importés desÉtats-Unis connaissent un grand succès. Par exemple,Interstellar de Christopher Nolan a été acclamé par la critique et le public, tout en réalisant un grand succès commercial, soit 751 millions de yuans (120,93 millions de dollars).
« Le manque de films de science-fiction produits au pays ouvre la porte à des films médiocres des États-Unis qui s'approprient ainsi une part du marché chinois. Certains pensent que les scénaristes chinois ne sont pas suffisamment ancrés dans la tradition de pensée scientifique et rationnelle nécessaire pour créer de la bonne science-fiction. Nous devrions peut-être miser sur la fantaisie un certain temps au lieu de la science-fiction,car les deux genres sont très rapprochés au point de vue des conventions », a dit Chen.
Les films qui ont pour cible le marché des jeunes ont connu un progrès en 2014, avec Beijing Love Story, My Old Classmate, Fleet of Time et Tiny Times 3.0, qui ont totalisé plus de 400 millions de yuans (64,41 millions de dollars) de revenus de guichet.
« Les films basés sur des histoires d'amour ont réussi à s'attirer le jeune public », a dit Chen. La troisième partie de la série Tiny Times par exemple. Les spectateurs de moins de 19 ans ont rapporté 41 % des revenus, et ceux de 20 à 29 ans, 28 %. Les jeunes sont devenus les consommateurs principaux des films pour jeune public,et ils constituent aussi la majorité des amateurs de cinémas chinois. Selon le rapport d'EntGroup, les clients de 19 à 30 ans ont constitué la moitié des spectateurs des deux dernières années. Les diplômés d'université représentent environ 80 % des auditoires actuels.
Comme les jeunes amateurs de cinéma sont souvent des internautes, des réseaux sociaux comme Weibo et WeChat sont devenus d'importants moyens de promotion. Les films chaudement discutés sur ces réseaux bien avant leur sortie font souvent grimper les revenus du guichet.
En plus des célèbres réalisateurs, des gens d'autres professions comme des écrivains et des acteurs ont aussi tenté de produire des films l'an dernier. Deux jeunes auteurs de bestseller, Guo Jingming et Han Han, ont fait leurs débuts dans le métier. Leurs Tiny Times 3.0 et The Continent ont rapporté 522 millions de yuans (84,05 millions de dollars) et 629 millions de yuans (101,28 millions de dollars) respectivement durant la période de vacances d'été. The Breakup Guru de l'acteur Deng Chao a rapporté 666 millions de yuans (107,24 millions de dollars)et A Fool de Chen Jianbin lui a rapporté le Prix du meilleur acteur et le Prix du meilleur nouveau directeur à la 51eremise du Cheval d'or Taiwan, un des plus importants évènements de l'industrie du cinéma de langue chinoise.
L'actrice Li Bingbing figure parmi les célébrités les mieux payées de Chine
Malgré la brillante performance de l'industrie du cinéma l'an dernier, les gens du milieu et les experts s'inquiètent de l'avenir. « L'industrie cinématographique chinoise ne devrait pas se laisser berner par ses récents records d'affluence mais porter davantage d'attention à l'amélioration de la qualité », a dit Rao Shuguang, président de l'Association des cinéastes de Chine.
« Ce n'est qu'en améliorant la qualité des films que l'industrie réalisera une croissance saine et soutenue »,a ajouté Rao.
Suo Yabin, professeur à l'université des Médias de Chine, a dit que le manque d'un contenu de qualité était devenu un problème très sérieux pour les films chinois. Plusieurs films ressemblent davantage à un monologue du réalisateur qu'à une tentative de communication avec le public. Certains recourent à des moyens de publicité sophistiqués pour « attirer » le public dans les salles, mais ne fournissent pas un divertissement bien ouvragé et de haute qualité.
« Si Hollywood jouit d'un accès illimité au marché en 2017, quand la Chine et les États-Unis tiendront leur rencontre au sujet du quota, les films nationaux seront durement frappés », a dit Suo.
Le rapport d'EntGroup a aussi signalé que l'industrie cinématographique chinoise a encore beaucoup d'espace d'amélioration malgré sa croissance rapide récente. Par exemple, le marché des produits liés aux films, comme des T-shirts et des jeux vidéo, est sous-développé. ll ne produit qu'un faible revenu, et manque de variété et des canaux commerciaux nécessaires. De plus,la plupart des spectateurs sont des résidents urbains de 19 à 40 ans. Les gens d'âge moyen et les personnes âgées, les enfants, et les habitants des régions rurales sont sous-représentés et vont rarement au cinéma. Pour que l'industrie cinématographique chinoise se développe encore, elle devra améliorer la qualité et le marketing pour atteindre un plus vaste public. CA